Billet de Bamako #1 : Fille de fleuve

par | 19 Oct 2015 | Mali

Je suis arrivé à Bamako le 4 octobre dernier. Deux semaines se sont écoulées, c’était le délai que je m’étais donné avant de rédiger le premier de ces billets de Bamako. Le temps nécessaire d’atterrir, au sens propre comme au figuré, de me télescoper avec l’effervescence caractéristique des métropoles africaines et d’encaisser le choc thermique Europe – Afrique (15°C Europe – 39°C Mali, Mali gagne !). C’est à présent fait, tout du moins en partie, car peut-on réellement se faire à ces différences ?

Dans les rues de Bamako, Mali

Engagé par une société anglaise, je forme du personnel de la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies pour la Stabilisation au Mali) aux premiers secours en région hostile et j’apporte également un soutien médical sur certaines de leurs missions. Je suis déployé ici pour une mission de 3 mois et j’ai donc la chance de pouvoir voyager dans ce magnifique et fabuleux pays devenu, bien malgré la majorité de ses habitants, un des endroits les plus dangereux au monde. C’est particulièrement vrai dans les régions du Nord où les jihadistes attaquent régulièrement des civils, des convois de l’ONU ou des policiers maliens et braconnent les éléphants.

En mission au Mali

Le Mali, c’est comment ?

Entouré par pas moins de 7 pays*, le Mali est vaste et peu peuplé, sa taille double celle de la France, pour à peine plus de 12 millions d’habitants. Le Nord appartient au roi de tous les déserts : le Sahara, qui étend ses sables dorés sur les deux tiers de cette nation.

Sahara, Sahara… et la mélodie toponymique ne s’arrête pas là. Car, ici, au Mali, il y a Kidal, Gao, Tessalit, tout là-haut sous les dunes brûlantes, près de l’Algérie et puis, certainement la plus mythique de toutes les villes maliennes, voire d’Afrique de l’Ouest, Tombouctou, la justement bien surnommée « Perle du désert ».

Tous ces noms ont bercé mes rêves d’aventures de gamin quand, perpétuellement le nez fourré dans un vieil atlas reçu de mon père, je traçais des expéditions imaginaires sur le continent africain que je me voyais mener un jour.

Je me propose avec cette série de billets de partager mes impressions, de vous informer sur ce qui semble être la réalité quant aux possibilités de voyager au Mali. Je partirai avec comme référence de départ, l’avis donné par le site du Ministère des Affaires Etrangères de Belgique :

« En raison de la situation sécuritaire au Mali, il est déconseillé aux Belges (ça vaut pour les autres, j’imagine) dont la présence n’est pas indispensable de voyager vers le Mali. Afin de pouvoir encore mieux organiser notre assistance consulaire, nous vous conseillons d’enregistrer votre voyage avant votre départ. La situation politique au Mali peut changer d’un jour à l’autre et affecter la sécurité. »

Son homologue français n’est, quant à lui, guère plus engageant :

« En raison des menaces terroristes prévalant dans la zone sahélienne et des opérations militaires en cours sur une partie du territoire malien, il est recommandé aux personnes devant se rendre en mission au Mali et à nos compatriotes résidant sur place de faire preuve de vigilance et de se tenir informés de l’évolution de la situation »

Je tenterai de confronter ces avis alarmants à la réalité de terrain. Ces articles seront hebdomadaires (ce rythme pourrait devoir subir des adaptations en fonction du contexte et de mes missions) et seront volontairement courts, je tenterai également de les illustrer avec des photos actuelles.

Femme au Mali

Bamako, fille de fleuve

Jusqu’à présent, j’ai passé l’essentiel de mon temps à Bamako, à l’exception de 3 missions à une centaine de kilomètres vers l’Ouest. Le quartier général de l’ONU y a en effet ces quartiers dans le fameux hôtel « L’Amitié », le plus grand et le plus haut de la ville.

La capitale compte à elle seule plus de 2 millions d’habitants et s’étend sur les 2 rives du majestueux fleuve Niger, appelé Djoliba (« le fleuve du sang ») par les Bamakois. Ce géant aux apparences placides est le troisième plus grand fleuve d’Afrique, après le Nil et le Congo. Doit-il son surnom à la couleur ocre qu’il revêt à la tombée du jour ou bien aux sacrifices d’animaux auxquels procèdent les marabouts ? Personne ne le sait vraiment.

Au bord du fleuve Niger à Bamako, Mali

En cette fin de saison des pluies, il pousse ses rives loin dans les terres, mais reste hasardeux pour la navigation du fait des grosses roches tapies en ses fonds. Un climat tropical chaud et humide accentue encore les effets de la pollution due à une circulation anarchique où la loi du plus fort semble constituer la seule règle de conduite.

Dans les rues de Bamako, Mali

Je me déplace essentiellement en jeep ou à pied pour les plus courtes distances. Je loge dans le nord du quartier Daoudaboudou, pas très loin de la rive méridionale du Niger. La société pour laquelle je travaille y loue une villa confortable dans un quartier favorisé, entendez par là : où toutes les habitations sont en durs, raccordées à l’eau et l’électricité. Après deux semaines de vie ici, je me fais au lieu, commence à comprendre le rythme des gens qui vivent en fonction des cinq prières quotidiennes imposées par l’Islam, la religion de la grande majorité des Maliens.

Comment s’y sent-on en tant qu’Occidental ? Qu’y mange-t-on ? Peut-on y voyager sans faire partie d’une armée ou je ne sais quoi d’autre qui ‘’protège’’ ? Comment fonctionne la vie dans une ville classée par les Ministères Occidentaux comme un lieu à absolument éviter ?

Sur un pont à Bamako, Mali

 Je vous en parle davantage la semaine prochaine dans l’épisode 2.

* le Mali est frontalier de la Mauritanie et de l’Algérie au nord, du Niger à l’est, du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire au sud, de la Guinée au sud-ouest et du Sénégal à l’ouest.

 

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