Billet de Bamako #3 : Bamako comme une retraite
Bamako ! Ce nom résonnait en moi depuis tellement longtemps. Tout comme Tombouctou, Ségou, Djenné ou Kayes. Il y a dix ans exactement, je m’envolais pour la Mauritanie. Après une très longue hésitation entre le Tchad, le Niger, le Mali ou la Mauritanie, j’avais opté pour cette dernière. Me disant que j’aurais bien l’occasion par la suite de découvrir ces autres pays sahéliens. J’aime le désert. Les grands espaces (presque) vierges. J’aime la sensation qu’il procure. Comme un vertige. L’humilité qu’il nous impose. Marcher le jour, ressentir la chaleur et la soif, le goût terreux de l’eau, celui fort et amer du thé, se reposer à l’ombre des acacias au plus fort de la journée, se réunir autour du feu le soir, s’endormir en comptant les étoiles, se réveiller avec les premiers rayons du soleil. Le désert… Un vide immense qui remplit et nourrit l’âme.
Je suis donc partie dans l’Adrar mauritanien remettant à plus tard mes rêves de Tombouctou, du Ténéré et de l’Ennedi. Et puis, le monde a changé. Petit à petit, la région n’a plus été fréquentable. Et j’ai mis ces rêves de Sahara de côté.
De Bruxelles à Bamako
En septembre 2015, Joël a été amené à travailler trois mois au Mali et au Niger, entre Bamako, Tombouctou, Niamey et Agadès. J’ai vécu son aventure un peu par procuration. En mai 2016, il est reparti au Mali. Pour une période beaucoup plus longue cette fois. Après de longues heures de réflexion et de discussion, nous avons convenu que nous le rejoindrions deux mois à Bamako. Certes, je ne pourrai pas monter dans le Nord en suivant la piste du Niger. Certes, je ne pourrai pas découvrir le pays Dogon ni bouger à ma guise dans les rues de Bamako. Mais j’irai à Bamako !
J’avais besoin de m’éloigner. De me couper de tout. D’appuyer sur pause.
Pour des raisons de sécurité, mais aussi et surtout par choix (puisque j’ai plutôt tendance à ne pas être trop inquiète et à croire en ma bonne étoile), nous sommes restés la plupart du temps à la maison et dans ses environs. Un temps bienvenu pour moi de me poser. De prendre du recul sur ces mois passés comme dans un tourbillon. M’oubliant. Oubliant le chemin que nous avions choisi. Ne sachant plus où j’allais. Fatiguée tant moralement que physiquement. Des insomnies. D’innombrables problèmes à régler. Assumer et supporter. J’avais besoin de m’éloigner. De me couper de tout. D’appuyer sur pause. De prendre du recul et de réfléchir. Réfléchir justement au sens du voyage. Réfléchir à notre choix de vie. Réfléchir à la voie que je voulais emprunter personnellement. Oui, à 33 ans, je n’ai toujours pas répondu aux questions « Qui suis-je ? » et « Où vais-je ? ». D’ailleurs, y répond-on jamais un jour ? Chaque année apporte son nouveau lot de questionnements, de remises en questions, de nouvelles données, de nouvelles rencontres. Des ouvertures. Des portes qui se ferment. Des découvertes. Enfin, se poser à Bamako, pour réfléchir à mes priorités. Prendre le temps de me recentrer sur l’essentiel. Sur les projets mis de côté depuis trop longtemps. Penser à moi égoïstement. Pour être en paix. Pour apprécier chaque instant. Pour retrouver l’énergie qui m’habitait. Les émotions. La sensibilité. La créativité. Moi qui étais devenue si mécanique. J’ai désiré ce séjour à Bamako comme une retraite.
Avec Sacha, nous commencions nos journées par une séance de yoga et de remerciements. Pour retrouver le goût des belles choses. Pour apprécier le cadeau de la vie. La chance que nous avons. Être conscients du privilège d’être vivants et nés là où nous sommes nés. Nous avons travaillé, joué, observé les innombrables oiseaux et trouvé un rythme plus doux. Il a appris la mécanique, la préparation du thé, le jardinage. Ainsi, nous nous sommes retrouvés. Reposés. Réconciliés. Apaisés.
Bamako ! J’ai aimé respirer ton odeur juste avant l’orage.
Nous n’avons pas visité Bamako. Oui, nous avons bien fait quelques sorties. Nous avons pris le temps de nous promener dans le quartier et d’aller au marché. Nous sommes aussi allés au Campement, profiter de la piscine avec vue, manger des pizzas et boire de l’excellent bissap. Nous avons fêté le Tabaski avec nos hôtes et partagé le thé devant la maison. Je me suis faite discrète pour observer la vie autour de chez nous et créer petit à petit, peut-être trop lentement, des liens avec quelques voisins et les passants. Bamako. J’ai vu quelques-uns de tes monuments. J’ai traversé ton fleuve quelques fois. J’ai admiré tes couchers de soleil et j’ai regardé fascinée tes orages et tes pluies diluviennes. J’ai écouté déstabilisée tes muezzins dont les voix nous venaient de partout à la fois. J’ai aimé humer ton odeur juste avant l’orage. J’ai eu trop chaud parfois. Et parfois, froid le matin. J’ai joué à cache-cache avec les souris et j’ai discuté avec les boucs rescapés. Et j’ai surtout abordé la vie différemment. J’ai appris à m’organiser plus efficacement. Je me suis relancée dans ces projets abandonnés. Ils sont devenus ma priorité. Et surtout, je vois où je veux aller. Bamako, tu m’as été bénéfique. Tu as répondu à certaines de mes questions. Tu m’as permis d’avancer sur ce livre que nous traînons dans nos valises depuis bien trop longtemps. Certes, il a eu le temps de bien mûrir. Il est temps pour lui maintenant de voir le jour. Un livre comme un manifeste. Comme un témoignage d’un départ pour un long voyage… Bientôt, il sera temps d’en parler. Pour l’instant, je le garde encore un peu chaud. Je l’affine. Le peaufine. Il m’inspire. Me rend heureuse et fière de moi.
Bamako, je reviendrai certainement pour poursuivre mon projet photographique. Pour retrouver ce rythme qui m’a fait tant de bien ! Pour te découvrir un peu plus, percer tes secrets et m’emplir de ton chaos.
Je vous laisse avec quelques photos prises au gré de nos balades pas loin de chez nous.
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