Cinq jours sur les routes de l’Herzégovine
Avant de nous installer pour trois semaines à Sarajevo, nous avons passé cinq jours à sillonner les routes de l’Herzégovine. La Bosnie-Herzégovine est un pays que j’affectionne particulièrement. Pourquoi ? En raison de sa nature préservée, de son côté sauvage, de son histoire tourmentée, de sa difficulté à être exploré par un touriste indépendant qui ne parle pas bosnien, de la sensation de vivre encore (un peu) l’aventure, de son mélange des cultures, de sa complexité… Coup de foudre en 2012 lors d’un voyage en train, j’y suis retournée l’année passée pour un road trip dans le nord-ouest. Pour ce nouveau voyage en Bosnie-Herzégovine, j’avais envie de découvrir quelques sites plus connus du pays, principalement situés en Herzégovine. En route donc pour un road trip au gré de nos envies.
Jour 1 : Des cascades, encore des cascades
Après une nuit agitée en grande partie consacrée à la contemplation d’un orage et à la chasse aux moustiques, nous quittons la belle côte croate en direction de Gorica, un petit poste-frontière dans le sud-ouest de l’Herzégovine. Je suis impatiente de retourner dans ce pays et de découvrir de nouveaux endroits. Aujourd’hui, journée thématique : visite des cascades de Kočuša et de Kravica sur la rivière Trebižat. Les cascades, c’est un peu mon incontournable lorsque je visite un pays. La Bosnie-Herzégovine, pays de rivières, de forêts et de montagnes, est riche en cascades. L’année passée, je m’étais rendue à Štrbački Buk, Martin Brod et Jajce. Suite aux fortes pluies les jours qui avaient précédés mon arrivée, le débit des chutes était très important. Je les avais donc trouvées imposantes, impressionnantes et sublimes par leur force. Je n’avais pas pu admirer leur beauté, leur poésie (oui, les chutes ont un côté poétique pour moi). La cascade de Kočuša, située près du village de Vitina, est assez difficile à trouver et n’est accessible qu’en voiture (comme beaucoup de lieux en Bosnie-Herzégovine). Quand nous arrivons sur les lieux, tout semble abandonné : restaurant fermé, tables de pique-nique et alentours jonchés de déchets, aucune trace d’activités mis à part les bouteilles de bière. Cependant, en faisant quelques recherches, j’ai appris que le restaurant, Konoba Kočuša, est toujours ouvert et d’un très bon rapport qualité/prix. Nous avons probablement dû venir la mauvaise journée. En tout cas, le lieu est charmant, paisible et relaxant.
Après les chutes intimistes de Kočuša, nous nous rendons aux chutes de Kravica, bien indiquées quant à elles depuis la route. Sur le tout nouveau parking, de nombreuses plaques étrangères et deux cars. Nous sortons le vélo de Sacha et nous dirigeons vers l’entrée du parc. L’entrée est désormais payante (10 KM pour 2 personnes + 1 voiture) et le chemin d’accès totalement aménagé. En descendant, on aperçoit les chutes et on pressent le spectacle qui nous attend. Mis à part à Sarajevo en 2012, je n’avais jamais vu autant de touristes étrangers. Cette présence s’explique parfaitement. Les chutes de Kravica sont magnifiques ! En arc de cercle, d’une hauteur de 20m, d’une largeur de 100 m, une eau émeraude, des arbres, des libellules, le chant des oiseaux et le bruit des chutes… On dirait presque le Paradis. Il est possible de se baigner dans les bassins naturels et d’aller ainsi au plus près des chutes. Sacha joue au bord de l’eau. Il recherche les poissons, tente des les pêcher avec un brin d’herbe et observe les pierres qui coulent au fond de l’eau. Nous nous asseyons à l’ombre et regardons chacun en silence le paysage. Le bar s’est vidé. Nous ne sommes plus très nombreux. Le calme règne. Nous ne savons pas combien de temps nous restons. Sereins et apaisés. Un œil toujours sur Sacha. En remontant, nous croisons deux grands groupes de retraités. Nous avons de la chance. Si vous allez en Herzégovine, ne manquez pas les chutes de Kravica.
En fin d’après-midi, nous reprenons la route en direction du Parc National Hutovo Blato, la plus grande réserve ornithologique du sud-est de l’Europe. Nous retrouvons le calme et la solitude au milieu d’une nature préservée. Nous serons les seuls clients de l’hôtel, Motel Karaotok, et du restaurant ce soir.
Jour 2 : Des marais au plateau
Pour commencer cette journée, nous décidons d’aller faire un tour en barque dans les marais. En effet, le Parc National Hutovo Blato est composé de plusieurs lacs, reliés entre eux par des marais. Situé à quinze kilomètres de la Méditerranée, il jouit d’un climat doux et propice pour une faune et une flore riches et diversifiées. Il accueille également chaque hiver près de 240 espèces d’oiseaux migrateurs et compte plusieurs dizaines d’espèces permanentes. Ne voyant aucun bureau d’informations ouvert, nous demandons à l’hôtel comment nous pouvons découvrir les marais en bateau. Pas de soucis ! 20 minutes plus tard nous embarquons avec un homme à la mine renfrognée et ne parlant pas un mot (pas même de bosnien !). Nous n’avons donc eu aucun échange ni aucune explication sur les oiseaux et les endroits que nous traversions. Il ne nous a pas non plus laissé l’opportunité de photographier les animaux et le paysage malgré nos demandes de ralentir et de nous arrêter. Néanmoins, la balade fut agréable. Une brève incursion dans la nature sauvage et préservée de ce parc. Si vous êtes sans enfant, vous pouvez également louer des vélos.
Où aller ensuite ? Medugorje ou Počitelj ? Un lieu de pèlerinage catholique mondialement connu ou un village au style oriental ? Nous mettons le cap vers le second en longeant la Neretva. Bien qu’ayant été fortement endommagé pendant la dernière guerre, Počitelj est un village charmant qui offre aux visiteurs un aperçu de l’ambiance et de l’architecture de l’époque Ottomane. Après avoir acheté deux cornets de fruits, nous nous perdons dans le dédale des ruelles de ce petite village construit sur la colline. Nous passons devant la mosquée Hadži Alija, la colonie d’artistes dans la Maison Gavran Kapetanović, la tour de l’Horloge et le Fort en ruines. Malgré la chaleur, la promenade est agréable. Tout en haut du village, on a une vue magnifique sur le village et la vallée. Avant de repartir, nous allons prendre un verre sur une terrasse à l’ombre aux pieds du village. Počitelj a été reconstruit avec goût et attire désormais de nombreux touristes.
Nous poursuivons la découverte des perles de l’Herzégovine à Blagaj. Cet endroit m’avait été recommandé l’année passée par Benjamin que j’avais rencontré au Camp Zelenkovac. Nous nous rendons donc à Blagaj pour voir la source de la Buna qui sort d’une grotte et la maison des Derviches (Tekija). Beaucoup de touristes à Blagaj. Il est vrai que j’insiste beaucoup sur ce point. C’est que je suis étonnée. Le contraste avec le nord-ouest du pays, où il n’y en a quasiment pas, est vraiment saisissant. Sacha dort dans la voiture. Joël n’a pas envie de se mêler à la foule. Il reste donc dans la voiture pendant que je file voir ces fameuses attractions. Beaucoup de monde se presse vers la Tekija. Je souhaite rejoindre l’autre rive afin d’avoir une vue sur la source et la maison. Je me faufile entre les tables des nombreux restaurants situés au bord de la Buna. Il doit être très agréable d’y manger par une chaude journée d’été. Je trouve enfin le chemin pour aller au plus près de la grotte. De là, part un petit bateau qui permet d’en faire le tour. Aucune indication du prix pour cette (mini-)excursion. Je n’ai pas la patience d’attendre le retour du bateau. Oui, c’et beau. Oui, c’est impressionnant. Mais quel monde ! Je retourne à la voiture sans visiter la Tekija.
Nous décidons de nous éloigner et de monter sur les hauteurs du plateau de Podveležje. Sur la route, nous nous arrêtons pour admirer de loin la forteresse d’Herceg Stjepan qui domine Blagaj et la vallée de la Neretva. Elle est accessible depuis la source de la Buna par un sentier de randonnée. Passer une nuit à la montagne nous fera le plus grand bien après des journées fort chaudes. Le plateau est vaste. Nous nous arrêtons au Motel Sunce dans le village de Smajkići. Izmet nous reçoit avec chaleur et bienveillance. Nous avons le sentiment d’arriver chez notre grand-père. La chambre est confortable. Et il nous prépare un copieux repas traditionnel, savoureux et du jardin. Encore une fois, le calme règne.
Jour 3 : Aller au bout de la route
Ce matin, Izmet nous accueille avec un grand sourire, du pain frais, de la confiture maison, du miel, du jus de cerise et une tisane aux plantes des montagnes. Il nous conseille également une randonnée facile à faire avec un petit, nous imprime le plan et ajoute deux bouteilles d’eau dans nos sacs. Le petit-déjeuner avalé, nous enfilons nos chaussures et partons découvrir la région. Il fait déjà chaud et aucun arbre pour nous offrir un peu d’ombre. Le chemin monte dans les montagnes en suivant une piste. Nous profitons de la vue panoramique sur le plateau. C’est sauvage, pierreux, sec et immense. Sacha nous suit. Il marche malgré la chaleur et le terrain rocailleux. Le paysage ne change pas, de nombreux papillons et des fleurs de toutes les couleurs égaient notre montée. Nous percevons les cloches d’un troupeau. Il n’est pas loin mais nous ne le voyons pas encore. Enfin de l’ombre ! Nous nous asseyons pour nous reposer. Allons-nous continuer ? Non, nous n’avons pas envie d’aller plus loin. La chaleur et la longue montée nous ont épuisés. Alors que nous nous apprêtons à nous remettre en route, le voilà qu’il surgit. Le troupeau de moutons ! Une bergère, accompagnée d’un gros chien tout pataud, mène un troupeau de mouton soigneusement tondus. Nous les laissons passer en nous réjouissant du spectacle. Nous redescendons d’un bon pas. Pressés de retrouver l’ombre et de manger une salade bien fraîche chez Izmet.
Il est temps pour nous de quitter cet endroit hors du temps. Nous reprenons la route et descendons vers Mostar. La route offre un spectacle exceptionnel. Ici, c’est la nature, le calme, les grands espaces. Nous arrivons au-dessus de la ville la plus célèbre du pays, Mostar. Nous la voyons d’en haut, coupée en deux par la Neretva. Nous décidons de poursuivre notre chemin. Nous reviendrons à Mostar une autre fois, en train.
Nous reprenons la route le long de la Neretva en direction de Drežnica, une vallée encaissée traversée par la Drežanka. Une région peu connue et peu touristique. Tellement peu touristique que les deux hôtels renseignés dans notre guide sont fermés et à l’abandon. Nous décidons toutefois d’aller jusqu’au bout de la route pour découvrir la vallée, ses petits villages sur les flancs des montagnes, ses fermes d’une autre époque, ses canyons. Nous répétons en boucle « Que c’est beau ! » et « Mais où est-ce qu’on va ? ». J’avais lu quelque part que l’on pouvait accéder à la source de la Drežanka et y voir une nouvelle cascade. J’avais noté sur un petit bout de papier les informations pour y accéder. Mais nous sommes arrivés au bout de la route sans trouver les indications. Les habitants se demandent ce qu’on fait là. Ils ne parlent pas anglais et je n’arrive pas à me faire comprendre. Tant pis pour la cascade, nous faisons demi-tour. Sur la route du retour, nous voyons un très gros orage qui avance vers nous. C’est une chance de ne pas avoir trouvé l’entrée du chemin. Nous évitons ainsi d’être en pleine montagne pendant l’orage. Comme souvent en Bosnie-Herzégovine, les lieux ne sont pas facilement accessibles. Pas d’indications, pas de repères, on peut vite se sentir perdu ou avoir le sentiment de tourner en rond. Le plus facile est donc de passer par une agence si l’on veut se rendre dans des endroits fort reculés, d’autant plus si on ne parle pas la langue.
Avançons donc vers Sarajevo. L’après-midi touche à sa fin. Nous ne pouvons plus nous permettre de repartir à l’assaut des montagnes alentours. Nous décidons de nous poser à Jablanica. Sauf que, à Jablanica, le seul hôtel de la ville semble fermé. Nous trouverons finalement un hébergement au bord du lac de Jablaničko dans un camping avec vue sur le lac. La chambre n’est pas confortable et assez bruyante mais la vue sur le lac est sublime. Les propriétaires du camping ont racheté de vieilles caravanes et les rénovent afin d’en faire des bungalows. Pour les amoureux de caravanes vintage, c’est l’endroit idéal. Avant de trouver notre logement du soir, nous étions retournés sur nos pas afin de goûter de l’agneau grillé, une spécialité de la région. Un peu avant Jablanica, de nombreux restaurants, proposant tous la même chose, se succèdent au bord de la route. L’agneau est grillé d’une façon traditionnelle. Nous nous sommes arrêtés au Zdrava Voda. Le repas est copieux, l’agneau est très bon mais le personnel peu sympathique.
Jour 4 : Sur les eaux de la Neretva
Notre installation à Sarajevo approche. Mais avant de rejoindre l’agitation urbaine, nous avons envie de profiter de la nature sauvage, des montagnes et des rivières. Nous reprenons la route en direction du lac de Boračko sans même nous arrêter au marché de Konjic. La route serpente dans les montagnes avant d’arriver à cette petite perle qu’est le lac de Boračko. L’entrée dans la zone autour du lac est payante. Dans cette chaleur, le lac est un havre de fraîcheur. Nous allons au Eko Selo. Le concept Eco semble bien se développer en Bosnie-Herzégovine. Il s’agit de lieux qui tentent au maximum de se fondre dans la nature et de respecter l’environnement. Les constructions sont en général en bois et les produits proposés aux restaurants sont locaux. L’Eko Selo propose donc un hébergement dans des cabanes en bois sans sanitaires (ceux-ci étant communs). De mignonnes petites cabanes pour deux avec d’excellents matelas (je n’avais jamais aussi bien dormi dans une cabane). De plus grandes cabanes pour des familles ou des groupes d’amis. Vous pouvez également dormir à la belle étoile ou planter votre tente. Le restaurant, tout en bois également, est très agréable et les plats cuisinés dans la tradition sont très bons. Nous sommes tombés sous le charme de cet endroit. La quiétude, les petites cabanes comme des maisons de poupée, la vue sur les montagnes et le lac, le personnel sympathique, les animaux… Tout est bien pensé dans cet endroit.
Et puis, nous y retrouvons deux couples tchèques croisés aux Chutes de Kravica. Ils s’apprêtent à partir pour une descente en rafting de la Neretva. Nous demandons si nous pouvons y aller avec Sacha et nous joindre à eux. Pas de soucis ! Nous voilà partis pour une descente en rafting non prévue avec Sacha, son gilet de secours et son casque. Nous montons dans le raft, Sacha entre Joël et moi, et c’est parti pour 3h (ou plus) de descente. Sacha se sent bien et est conscient des moments où il doit faire attention. Nous sommes dans un canyon. Il n’y a pas de mots pour décrire cet endroit, accessible uniquement sur l’eau. Pas de présence humaine, hormis nous. Pas de déchets. Pas de bruits issus de l’activité humaine. Nous nous sentons privilégiés de vivre cet instant. Je suis heureuse de pouvoir faire vivre ce genre d’expériences à Sacha. Et même s’il ne s’en souviendra pas, je pense que cela le construit et le sensibilise à la beauté du monde. Nous sommes heureux et nous sentons légers. Malgré l’énorme coup de soleil que j’ai sur une jambe. Je n’avais pas eu le temps de mettre de la crème sur le côté justement exposé tout au long de la descente. Je suis donc heureuse mais rouge comme une écrevisse.
Nous passons l’après-midi à flâner dans le camp et aux abords du lac, à boire des limonades, à manger des glaces et à prendre des contacts pour des projets futurs. Le patron nous invite à boire des bières et nous discutons de la Bosnie et de son avenir. Je vous recommande vivement cette adresse. C’est un lieu enchanteur.
Jour 5 : Tels des aventuriers…
Fini la quiétude au bord du lac ! Nous devons rejoindre Sarajevo ce soir. Deux options s’offrent à nous : soit nous retournons à Konjic et prenons la nationale soit nous tentons la route dans l’autre sens sans aucune certitude. La carte indique une route jaune. Nous supposons donc qu’elle est totalement praticable. Nous aimons nous lancer dans l’inconnu et emprunter des routes détournées. Nous montons confiants même si nous ne croisons pas beaucoup de voiture. Nous laissons passer un serpent et sommes surpris par le nombre de panneaux signalant la présence de mines.
Puis, quelques épingles à cheveux plus tard, la route s’arrête et fait place à une piste. Confiante, je dis à Joël de continuer puisque, de un, la route est toujours indiquée en jaune sur la carte et, de deux, il arrive souvent en Bosnie-Herzégovine que la route devienne une piste sur quelques km. Nous avançons donc lentement et arrivons à un carrefour. Selon la carte, il faut aller tout droit. Selon un panneau en face de nous, pour aller à Sarajevo, il faut tourner à gauche. Dilemme. Nous tournons à gauche et montons sur une piste un peu moins praticable. Nous n’avons pas un 4×4 mais une bonne voiture familiale bien haute. Nous arrivons dans un petit village, Svijenča, qui semble tout droit sortir d’un film de Kusturica. Nous trouvons l’expérience amusante et poursuivons notre chemin.
Nous ne croisons rien ni personne. Nous sommes sur la Treskavica et avançons tout droit vers Sarajevo à travers la montagne. La vue est incroyable. Et nous n’entendons que le bourdonnement des abeilles et autres insectes butineurs. Enfin, nous arrivons à un autre village, totalement isolé et pourtant équipé en électricité, Varčići, et à une nouvelle bifurcation.
À gauche Sarajevo, à droite une route sans issue qui descend dans le village. Sauf que la route de gauche se rétrécit et semble de moins en moins praticable. Nous la tentons quand même après avoir rechargé nos gourdes en eau. Le long des routes et des pistes, des familles ont construit des fontaines en hommage aux leurs décédés. Ainsi, ils offrent l’eau, bien précieux, aux randonneurs. Quelques mètres plus loin, nous sommes bloqués. La piste descend fortement sur un terrain glissant et nous n’avons aucune idée de ce qui nous attend. Pendant que nous analysons la situation, nous entendons des bruits dans les fourrés. Mon imagination s’emballe. Et si nous tombions nez à nez avec un ours !? Nous ne voulons pas prendre de risques et décidons de faire demi-tour, de retourner au premier carrefour et de suivre la route indiquée sur la carte. Et c’est reparti pour de la piste et des secousses dans tous les sens. Sacha, lui, dort. L’homme que nous croisons au carrefour nous indique la route. Nous nous engageons donc à nouveau dans l’inconnu. Je trouve mes repères sur la carte. Par contre, je n’ai aucune idée de la longueur de cette piste. Nous avançons prudemment. Le stress monte avec la fatigue. Nous croisons un village. Espoir de retrouver l’asphalte… Non. Nous arrivons devant un vieux pont en bois. Joël m’envoie en éclaireur. Je monte sur le pont et constate son état de délabrement. Les planches en bois sont vermoulues et il y a des trous à certains endroits. Je fais des signes à Joël. Il ne les voit pas. Je me dis que ça va passer s’il y va franchement. Ce qu’il fait. Arrivé près de moi, il me demande si je suis inconsciente ou si je voulais leur mort. On se croirait presque dans Les Routes de l’Impossible. Sous le pont, un précipice. Nous n’avons plus le choix. Nous devons avancer car il est impossible, psychologiquement, de repasser sur le pont.
La piste continue, interminable, et nous sommes épuisés. Peu à peu, des traces de présence humaine. Nous croisons des jeeps. Peut-être vont-elles passer sur le pont ? Nous arrivons en République Serbe de Bosnie-Herzégovine et, enfin, nous sortons soulagés de la piste. Nous avons réussi cette traversée sans rien casser et heureux des images que nous garderons, de l’expérience que nous avons vécue ensemble et des souvenirs que nous nous créons.
Nous arrivons enfin dans une ville, Kalinovik. Cette ville nous semble peu avenante. Les visages sont fermés et il y règne quelque chose de dur. Quelque chose que je ne peux expliquer. Cette ville est totalement isolée et entourée de grandes étendues sauvages. Elle n’est d’ailleurs accessible que par une route. L’autre étant beaucoup plus sportive. Ce qui m’a rassurée pendant cette quarantaine de km, c’est la présence de traces d’autres voitures. Si d’autres voitures passent, nous pouvons passer nous aussi. La route qui redescend offre à nouveau des paysages grandioses et un peu différents. Nous quittons l’Herzégovine et son climat méditerranéen. Sarajevo nous attend. Le contraste entre la journée merveilleuse au milieu des montagnes et d’une nature exempte d’humains et la ville de béton est surprenant. Nous devons nous poser un peu et nous remettre de nos émotions intenses. Quelle belle journée. C’est ce que j’aime dans les road trips sans GPS. La carte évoque tous les possibles et ouvre les horizons. La voiture permet des les explorer d’une certaine façon.
Cinq jours intenses sur les routes de l’Herzégovine. Nous n’avons pas eu l’occasion de voir Mostar ou d’aller au Parc National de Sutjeska. En si peu de temps, il faut faire des choix et nous avons fait les bons.
Et si vous avez été dans le Sud de la Bosnie-Herzégovine, outre Mostar, quels sont les sites qui, selon vous, sont incontournables ? N’hésitez pas à partager avec nous vos coups de cœur et bons conseils.
Un voyage en Bosnie-Herzégovine en vue ? Voici quelques articles qui pourront vous donner des idées ou vous informer sur ce pays :
Notre itinéraire dans le Nord-Ouest de la Bosnie
Les lieux que nous avons aimé au Nord-Ouest de Sarajevo
Mes impressions suite à mes deux premiers voyages en Bosnie-Herzégovine
Plonger dans l’histoire à Višegrad
Et pour mieux comprendre l’histoire et la complexité du pays, la lecture du Pont sur la Drina d’Ivo Andrić
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