Dakar avec un enfant
C’est depuis Bamako, capitale du Mali, sous un ciel orageux que j’écris cet article sur notre semaine passée à Dakar. Quinze ans après mon premier voyage au pays de la Teranga, j’y retourne avec mon fils et suis curieuse de découvrir ses réactions. Alors que je l’ai vécu comme un véritable voyage initiatique, Sacha semble trouver tout naturel et s’adapte parfaitement. Les taxis, le sable dans les rues, le bruit, les odeurs, les vendeuses qui nous interpellent… Je suis heureuse de le voir parler aux gens, poser des questions, des tas de questions, et s’enthousiasmer à tout ce que je lui propose. Le voyage commence bien et je me réjouis de redécouvrir cette ville avec d’autres yeux et plus de maturité. Visiter Dakar avec un enfant ce n’est pas comme visiter Prague ou l’Alsace car rien n’est prévu pour eux ni dans les espaces publics ni dans les restaurants mais cela ouvre d’autres horizons et facilite les rencontres et expériences insolites. De plus, comme dans toute grande ville au climat chaud, il suffit d’être vigilant, d’emporter assez d’eau et de ne pas surcharger la journée. Pour découvrir la capitale sénégalaise, nous n’avons pas fait appel à un guide. Par contre, nous nous sommes laissés guider par les rencontres, les hasards et les envies. Je vous propose quelques idées pour découvrir Dakar en famille et en profiter au maximum.
L’île de Gorée
Classique incontournable de tout passage à Dakar : l’île de Gorée. Lieu symbole de mémoire de la traite négrière classé au patrimoine mondial de l’Unesco, Gorée est un havre de paix à quelques minutes à peine de Dakar. Si en 2000 l’embarquement se faisait dans un joyeux chaos assez surprenant pour la petite occidentale que j’étais, aujourd’hui il est tout ordonné, sans bousculades et dans le plus grand calme. L’embarcadère n’est plus au même endroit et il n’est désormais plus autorisé d’aller faire des photos dans le port commercial. Nous prenons place sur le pont supérieur et voyons Dakar et son halo de pollution s’éloigner petit à petit. Nous croisons quelques bateaux. De très grands à côté de tout petits. La vie du port qui va et vient. Pendant ce temps, les vendeuses de Gorée, Claudia, Naomi et Cindy, nous invitent à venir visiter leur boutique quand nous serons arrivés.
L’île de NGor
Une nouvelle journée et une nouvelle île à découvrir : l’île de NGor, toute petite île sans voiture à 400m à peine des côtes de Dakar. Pour y aller, il faut emprunter une pirogue traditionnelle. Et l’aventure commence là, sur la plage avant d’embarquer. Parce qu’il faut prendre un gilet de sauvetage, ôter ses chaussures, remonter son pantalon, faire monter son fils dans le bateau agité, tenter soi-même d’y monter les mains encombrées sans faire tomber son appareil photo et essayer de trouver une place alors qu’il y a bien trop de monde. Et puis prier, même si on ne prie jamais, pour que la pirogue surchargée ne se retourne pas. Bien que nous soyons du côté protégé de l’île, il y a beaucoup de vent et les vagues sont assez fortes. D’ailleurs, l’île de NGor est connue pour ses spots de surf. Nous débarquons finalement sains et saufs, le pantalon toutefois entièrement trempé. Quelques personnes nous proposent une visite guidée de l’île qui abrite la maison de France Gall. Peu adeptes des peoples, nous décidons de partir de notre côté. L’île n’est pas très grande et il est impossible de se perdre. Nous traversons les ruelles de cet endroit qui devait être paisible et sauvage mais qui connaît un succès fou. Les nouvelles constructions sont nombreuses. Nous arrivons face à l’Atlantique et ses grandes vagues. L’horizon s’ouvre. L’esprit s’évade et est emporté par les embruns.Une sortie en mer avec les pêcheurs de Yoff
En revenant de l’île de NGor, nous croisons un homme qui tient par les branchies un énorme poisson. Sacha s’approche et commence à lui poser des tas de questions. Cet enfant adore les poissons et la pêche. Une passion dont l’origine nous est totalement inconnue et qui me fait parfois vivre des situations incongrues. Rendez-vous est fixé le lendemain afin d’aller pêcher avec les pêcheurs de Yoff dans une pirogue traditionnelle. La plage de Yoff est très connue pour le retour des pêcheurs au coucher du soleil. Si Sacha n’avait pas été là, je crois que c’est une expérience que je n’aurais jamais faite. Je n’aime ni la pêche ni les poissons. Le jour dit, en milieu d’après-midi, nous nous retrouvons sur cette plage grouillante de vie le cœur léger tel des innocents. Nous faisons la connaissance des pêcheurs que nous allons accompagner et nous montons à bord. Et là, tout bascule, en tout cas pour moi. La mer est encore agitée et nous sommes fortement secoués dans la pirogue. À nouveau, j’ai peur que nous nous retournions, je m’imagine les pires scénarios ! Les pêcheurs rient et me rassurent en me disant qu’une fois que nous serons au large ça ira mieux. Je leur fais confiance. Enfin, nous nous arrêtons, la pirogue bouge gentiment et les pêcheurs se mettent à pêcher au fil. Sacha les aide et semble s’amuser. Par contre, pour moi, c’est une tout autre histoire. Pour la première fois de ma vie, j’ai le mal de mer. Celui qui vous fait tourner la tête, devenir livide et vous ôte toute force. Je prends quelques photos et puis ne me concentre plus qu’à regarder l’horizon au loin. Les poissons mordent et le bateau se remplit assez vite. Mais je ne peux apprécier ce moment. Le temps passe et les minutes me semblent une éternité. La pirogue suffisamment remplie, les pêcheurs prennent pitié et décident de retourner sur la plage en rigolant. Sacha, qui continue à pêcher le sourire aux lèvres, refuse de rentrer. Revenus à terre, il veut emporter quelques poissons pour que nous les grillions le soir. Moi, je ne pense à rien. Mes jambes flageolent. La tête me tourne. Les odeurs me gênent. Je ne pense pas. Je marche tel un zombie vers la sortie de la plage. J’en oublie même les poissons que les pêcheurs nous donnent. Je cherche un endroit à l’ombre où m’asseoir et reprendre mes esprits.Le Musée Théodore Monod
Que faire le dimanche ? En profiter pour visiter le centre-ville sans stress. Prendre le bus pour changer des taxis, assister à une messe, visiter le Musée Théodore Monod d’art africain de l’IFAN et poursuivre son chemin jusqu’au Palais présidentiel. Nous arrivons à la Cathédrale du Souvenir africain alors que la messe a déjà commencé. Nous ne pouvons rentrer ni prendre des photos. Alors, nous restons à l’extérieur à regarder et surtout à écouter cette messe chantée, joyeuse et dynamique. La cathédrale est comble et tout le monde participe. Mais la messe est longue et Sacha commence à ne plus tenir en place. Nous nous dirigeons alors vers le Musée d’art africain et arrivons juste à temps pour la visite guidée. Au rez-de-chaussée, une exposition sur les arts et traditions africaines. Des masques traditionnels, des objets usuels, des costumes et des coutumes. Des objets qui ne viennent pas uniquement du Sénégal mais de toute l’Afrique de l’Ouest. Les explications sont intéressantes même si je dois les adapter à Sacha. À l’étage, une exposition sur le sport national : la lutte. Je découvre un nouvel aspect de la culture sénégalaise. Je ne savais pas du tout que la lutte était un sport si important et populaire au Sénégal. Les lutteurs sont des stars et la lutte un sport très codifié et ritualisé. Quand nous irons en Casamance, nous nous rendrons compte que la lutte est un jeu quotidien pour les enfants. Sacha y sera même initié. Le Musée est un musée traditionnel et à la scénographie classique. Si les objets et les histoires associées peuvent capter l’attention des enfants un certain temps, ceux-ci ne resteront pas longtemps tranquilles. Le dimanche est la journée idéale pour visiter la ville à pieds. Nous nous rendons jusqu’au palais présidentiel et enfin retournons devant le marché Sandaga où se trouve notre arrêt de bus. Dans le bus, un vieux monsieur nous invite à s’asseoir à côté de lui et nous raconte un peu de son histoire. Nous passons un beau moment de partage.La gare
Joël et moi sommes des passionnés de trains et de gares. Promesses d’aventures et de rencontres, ces lieux nous attirent comme des aimants. Alors, il m’était impossible d’aller à Dakar sans passer par la gare de Dakar, aujourd’hui abandonnée, ni même prendre le train. Je n’aurai pas eu l’occasion de prendre le petit train de banlieue qui assure la liaison entre Dakar et Rufisque. Par contre, je suis allée faire un tour dans cette jolie gare de style colonial bien entourée par les gardiens. Ils m’ont raconté l’histoire de la gare mais ne m’ont pas laissée m’aventurer sur les quais. Cette gare était le terminus et le point de départ pour Saint-Louis ou encore Bamako. Je quitte le présent et mes pensées s’envolent au moment de l’inauguration de la gare en 1914. J’entends les bruits, les porteurs, les locomotives à vapeur, les ventilateurs… J’imagine les voyageurs de cette époque coloniale. Aujourd’hui, plus aucun train n’en part bien qu’il y ait un projet de rénovation et de remise en service. De plus, le Sénégal aurait signé un contrat avec une entreprise chinoise pour la reconstruction de la ligne reliant Dakar à Bamako. Affaire à suivre… En tout cas, si ce projet devait aboutir, je pense que nous n’hésiterions pas une seconde à emprunter cette ligne. La gare se trouve juste en face de la sortie du port. Si ça vous intéresse, allez-y en revenant de Gorée.
La Pointe des Almadies
Aller à la Pointe des Almadies, c’est aller à l’extrême ouest du continent africain. Un lieu donc tout à fait incontournable. Outre son marché artisanal que nous n’avons pas fait, la Pointe des Almadies ce sont surtout de petits restaurants de poissons et fruits de mer. Nous y sommes allés deux fois et avons mangé au bord de l’eau avec une vue sublime.En sortant de Dakar : la réserve de Bandia et Popenguine
Depuis Dakar, il est possible de faire quelques excursions à la journée dont le Lac Rose, la réserve de Bandia et Popenguine. Nous ne sommes pas allés au Lac Rose cette fois-ci car je n’en gardais pas un très bon souvenir. Lors de mon passage en 2000, le lac n’était pas rose et j’avais eu très très chaud au bord de l’eau. Il est possible de faire un tour en pirogue sur le lac et d’aller à la rencontre de ces forçats qui, du matin au soir, récoltent du sel pour quelques francs à peine. Un travail pénible qui brûle le corps entier. Parfois, je trouve ces visites déplacées même s’il me semble important de ne pas ignorer ces réalités. D’en prendre conscience pour essayer d’avoir, à son niveau, une action positive. Enfin, il paraît que cette année le lac était bien rose et que c’était magnifique. Pour notre part, nous sommes plutôt allés à la Réserve de Bandia. Même si le Sénégal n’est pas connu pour ses animaux sauvages, j’avais envie d’en voir en liberté. Toutefois, y aller à deux est un sacré budget. Et la chance nous a souri. Un soir, alors que j’envisageais une autre activité à faire avec Sacha, on m’a proposé d’accompagner une famille. Zia fêterait ses 5 ans le lendemain et sa maman lui réserve une jolie surprise : une journée à la réserve de Bandia et sur la plage de Popenguine. Quel beau programme ! Nous partons donc en compagnie de Zia et ses parents à la découverte des animaux (herbivores) de la savane africaine. Sur 3500 ha, vivent entre autres girafes, zèbres, antilopes, autruches, buffles, élands du Cap, rhinocéros, singes et une multitude d’oiseaux aux couleurs toutes plus belles les unes que les autres. Nous y croisons également des hyènes, des crocodiles et des tortues. En plus des animaux, nous en apprenons un peu plus sur la culture sérère. Lorsque nous avons vu notre première girafe, une girafe noire, nous étions tout excités. Une girafe ! Juste là, devant nous, à quelques mètres à peine. Pas de grillage entre elle et nous. Quel moment ! Et nous irons d’émerveillements en émerveillements. Sacha reste silencieux. Les yeux écarquillés. Je n’arrive pas à savoir ce qu’il pense. Il semble être entièrement présent. À boire le spectacle qui est là, sous ses yeux. Je photographie à tout va et regrette de ne pas avoir un téléobjectif. Je suis heureuse… À la fin de la visite, nous passons par le bar-restaurant où il y a quelques balançoires pour les enfants. L’endroit est sympa et bien entretenu.Si finalement nous avons passé une très belle semaine à Dakar, j’ai le sentiment de n’en avoir pas encore fait le tour. De ne pas non plus avoir senti son énergie, sa vibration, sa culture, son rythme. Nous y avons fait de belles rencontres et avons lié une forte amitié avec des femmes hors du commun. J’étais toutefois heureuse de partir pour la Casamance. De quitter sa pollution et sa frénésie. De retrouver le calme et de m’émerveiller devant la beauté des paysages du sud du pays. Et vous, quelles sont vos bonnes idées pour un séjour réussi dans la capitale sénégalaise avec des enfants ?
Petit carnet pratique
Nous avons logé à l’Espace Thialy dans le quartier Patte d’Oie. Certes, cette auberge est un peu excentrée mais elle est comme une oasis de fraîcheur et de calme où il fait bon rentrer après une longue et chaude journée. Nous mangions (presque) tous les soirs à l’Auberge par souci de facilité. En effet, je préférais ne pas trop traîner le soir dans les rues avec Sacha.
Le midi, nous mangions à l’extérieur : des shawarmas chez les libanais, du poisson à la Pointe des Almadies, des thiéboudiènes au marché Kermel ou sur la plage de N’Gor.
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Que ça donne envie. Tu ne donnes que le beau côté de Dakar, on ne ressent ni la foule, ni la pollution que tu évoques en conclusion. Et c’est dole car aujourd’hui j’ai discuté avec quelqu’un qui va aller en décembre et janvier au Sénégal avec sa petite fille de 2 ans.
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Effectivement, j’ai essayé de donner l’aspect positif de cette ville afin d’en profiter au maximum avec ses enfants sans subir tous ses désagréments. Mais, oui, Dakar est une ville chaude où la circulation est très dense et chaotique, où l’air est parfois irrespirable tellement il est pollué, où le bruit peut-être épuisant et où l’on se fait aborder assez régulièrement par des vendeurs et vendeuses dès que l’on se trouve en zone touristique. Mais il est possible de les subir le moins possible en choisissant une auberge un peu excentrée dont la cour est arborée et fleurie. En choisissant de visiter la ville le dimanche et en allant sur les îles pour éviter au maximum les voitures. Alors, oui, visiter Dakar avec un enfant c’est fatigant et c’est pour cette raison qu’il faut adapter son programme. Mais je n’ai pas voulu insister sur ces aspects. Nous y avons passé une très belle semaine et j’ai adoré mon séjour là-bas.