Que faire en cas de #3 : Les traumas (1/2)
Troisième chapitre de notre série consacrée à la médecine en voyage : que faire en cas de traumas ? Le propos est vaste et nous avons tenté d’aller à l’essentiel. Afin de ne pas vous perdre en cours de lecture, nous avons décidé de scinder cet article en 2 parties.
Mais, au fait, que désigne-t-on par ce terme médical ? Cette vaste notion définit toutes les atteintes traumatiques – blessures – causées par une cause extérieure. Les traumas sont principalement de 3 types : pénétrant, contondant et barométrique. Ils incluent donc les fractures, luxations, tendinites et autres entorses, que nous aborderons en détails dans ce texte.
- Approche du blessé traumatisé
- Les troubles de la conscience
- Les problèmes aux os et aux articulations
- La gestion de la douleur
L’approche du blessé traumatisé
Prendre un temps de réflexion avant d’aborder le blessé est indispensable. Lorsqu’un accident survient, éviter le sur-accident et d’autres blessés éventuels doit être une priorité absolue. La précipitation entraîne l’imprudence qui, à son tour, ajoute des blessés, diminue les ressources humaines disponibles tout en augmentant les besoins. Une spirale à tout coup délétère pour le groupe et compromettant l’objectif ou la mission. Avant de se diriger vers un blessé, il faut se poser la question suivante : « Suis-je en sécurité ? » Si oui, évitez de déplacer le blessé. Parfois la situation ne laisse pas d’autre choix que « d’attraper et dégager » le blessé : en cas de véhicule en feu, de risque d’avalanche, d’effondrement, de fusillades… par exemple. Dans ces cas, déplacez le traumatisé vers un emplacement sûr aussi prudemment et rapidement que possible. Un soin particulier doit être apporté si vous suspectez des lésions aux cervicales ou au dos. Utilisez le protocole suivant pour aborder la ou les victimes.Premiers soins et gestion des blessures légères |
1. Evaluer la situation |
2. Sécuriser les lieux |
3. Evaluer le ou les blessés |
a. Démarrer avec l’ABC de la réanimation |
b. Identifier les blessures ou la maladie |
4. Administrer les premiers soins en tentant de prioriser en fonction de l’état des blessés |
5. Appeler à l’aide via les moyens qui sont les vôtres (VHF, mobile, balise, InmarSat…) |
6. Organiser l’évacuation des blessés vers une zone de soins secondaires adaptée aux besoins du blessé |
Algorithme de prise en charge ABCDE |
A : Airway, prise en charge des voies aériennes |
B : Breathing, évaluation et prise en charge de la fonction respiratoire |
C : Circulation, évaluation et prise en charge de la fonction circulatoire |
D : Déficit, évaluation des déficits moteurs ou neurologiques |
E : Exposition, Environnement et Evacuation (protection et préparation) |
Réanimation de base
Le BLS (Basic Life Support) est la doctrine médicale qui traite de l’entretien des fonctions respiratoire et circulatoire sans l’utilisation de matériel à l’exception d’un équipement simple pour le prise en charge des voies aériennes (Pocket-Mask® ou autre) ou d’une protection (type Face-Shield® ou autre) afin d’éviter les éventuelles infections du secouriste lors des insufflations. La combinaison d’insufflations (bouche-à-bouche) et de compressions thoraciques est connue sous le nom de Réanimation Cardio-Pulmonaire (RCP). Le meilleur moyen de maîtriser cette technique est de prendre part à une formation BLS. L’algorithme suivant est donc un simple rappel.Algorithme BLS (Basic Life Support) – Normes European Resuscitation Council (ERC) 2015 |
1. Sécurité |
2. Evaluer la scène et approche de la victime, en lui parlant (si réponse, la victime est consciente et respire -> prise en charge selon ABCDE |
3. Si pas de réponse : évaluer l’état de conscience de la victime en la saisissant prudemment en l’appelant : « Est-ce que vous m’entendez ? » |
4. Crier pour avoir de l’aide : « A l’aide, au secours ! » |
5. Dégager et libérer les voies aériennes. Ouvrir la bouche, lever toute obstruction éventuelle, désserer foulard, col de veste et tout ce qui pourrait entraver l’entrée d’air dans les voies aériennes. |
6. Effectuerer un VES (Voir-Ecouter-Sentir) pendant 10 secondes maximum en vous approchant de la bouche de la victime afin d’évaluer si elle respire (souffle sur votre joue ? Bruits respiratoires ? Mouvements du thorax ?) |
7. Si respiration, placer la victime en PLS (Position Latérale de Sécuité) |
8. Si PAS de respiration, effectuer 30 compressions thoraciques. 2 mains sur le milieu du sternum et masser de 5 à 6 cm de profondeur, sur le rythme de 100 à 120 battements par minute avec un temps de compression égal au temps de relâchement du thorax. |
9. Effectuer ensuite 2 insufflations par le bouche-à-bouche. Insuffler prudemment jusqu’à ce que le thorax de la victime se soulève. Cette manœuvre ne devrait pas durer plus de 5 secondes. |
10. Alterner 30 compressions et 2 insufflations |
11. Stopper si la victime manifeste des signes de vie (toux, gémissements, râles…) et réévaluer (point 4 et 5) |
12. Si pas de signe de vie, poursuivre le cycle 30-2 (compressions-insufflations), jusqu’à la relève par les secours professionnels ou si votre intégrité physique est menacée |
Issue et résultat lors d’une RCP
Survivre à un arrêt cardiaque est le plus probable lorsqu’un témoin est présent auprès de la victime, que très rapidement celui-ci entame une RCP efficace et que la défibrillation (traitement basé sur l’administration de choc électrique au cœur), ainsi que des soins ALS (Advanced Life Support) sont mis en œuvre dès les premiers instants suivant l’arrêt cardiaque. En voyage lointain ou en expédition, particulièrement dans les pays en voie de développement ou en régions isolées, il est très peu probable que ces moyens ALS, tant techniques qu’humains, soient disponibles. Si les tentatives de réanimation sont infructueuses après 30 minutes d’effort, les chances de parvenir à un résultat positif sont alors extrêmement faibles. Il existe cependant trois causes où prolonger les tentatives pourrait s’avérer payant :- Les victimes foudroyées
- Les victimes en hypothermie
- Les victimes de noyade
Dangers liés à la réanimation
Il existe certaines réticences compréhensibles à propos de la contamination par des maladies sanguines transmissibles durant la pratique de la RCP, particulièrement au sujet des hépatites et du HIV. Bien que certains virus peuvent être repérés dans la salive de personnes infectées, les contaminations sont rares et seuls 15 cas en relation avec la pratique de la RCP sont documentés dans la littérature. Seuls 3 cas de HIV transmis lors d’une réanimation de patients infectés ont été rapportés. 2 de ces cas le furent à cause d’une piqûre malencontreuse avec une aiguille souillée de sang dans le doigt du sauveteur et le 3e suite à un contact important et prolongé avec une plaie de peau étendue et beaucoup de sang. Afin de minimiser le risque de contamination, le secouriste devrait porter des gants et utiliser des protections individuelles (lunette…). Un soin tout particulier doit être apporté à la manipulation d’objets tranchants ou pointus (scalpel, aiguille…).Les altérations de l’état de conscience
Il est évident qu’il y a lieu de s’inquiéter lorsqu’une personne ne peut répondre oralement ou réagir normalement à une sollicitation verbale suite à un accident ou une maladie. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles quelqu’un peut à un moment voir son état de conscience partiellement ou totalement altéré. Les plus communes sont :- Blessures à la tête (traumatisme crânien)
- Évanouissement
- Crise convulsive
- Mort
Traumatisme crânien
Les blessures à la tête sont un risque en voyage, particulièrement lors des accidents en milieu montagneux ou avec des véhicules et lors de la pratique de sports extrêmes. Les mécanismes lésionnels significatifs et qui doivent faire suspecter une possibilité de lésion au rachis cervical sont :- Les explosions
- Les chutes de plus de 5 mètres
- Les accidents de véhicule (auto, bus, moto, vélo…)
- Traumatisme crânien fermé
- Avec saignement interne
- Avec gonflement du cerveau
- Traumatisme crânien ouvert
- Fracture de la base arrière du crâne
Echelle AVPU |
A : Alert and Aware (victime alerte et connectée à son environnement) |
V : Voice responsive (victime qui réagit à l’appel de son nom) |
P : Pain responsive (victime qui réagit uniquement aux stimuli douloureux) |
U : Unresponsive (victime inconsciente, aréactive) |
- Les yeux de raton laveur (Racoon eyes), ce sont des ecchymoses (yeux au beurre noir) autour des 2 yeux suite à un coup sur la tête. Ceci est un signe tardif.
- Signes de Battle, ce sont des ecchymoses derrière les oreilles
- Fuite de liquide cérébro-spinal (LCS), par les oreilles ou par le nez.
- Si suspicion d’une fracture de la base arrière du crâne
- Collecter au moyen d’une compresse stérile un peu des écoulements de l’oreille ou du nez
- Si 2 cercles concentriques plus foncés apparaissent, suspecter une fuite de liquide cérébro-spinal (LCS)
- Précocement, lors de l’évacuation, administrer 400mg de Moxifloxacine en prise orale si l’état de la victime lui permet d’avaler. Utiliser une voie IV/IO si vos compétences le permettent.
Traitement des blessures à la tête
Ce type de blessures doit être traité en accord avec les principes de premiers secours suivants (v. ABCDE) :- Sécurité pour vous, votre environnement et votre victime
- Si le mécanisme lésionnel est significatif, effectuer un maintien manuel de la tête de la victime en évitant de comprimer le crâne
- Airway (VAS)
- Breathing (respiration)
- Circulation
- Déficit neurologique
- Environnement
Traumatismes crâniens et nécessité d’évacuation
Quand ce type de traumas arrive en zone isolée, que ce soit en mission, en expédition ou en voyage lointain, il est souvent difficile de décider s’il est adéquat d’annuler l’expédition et de planifier une évacuation vers la structure sanitaire la plus proche ou s’il serait mieux d’observer l’évolution de la victime au camp, à la base ou chez l’habitant où l’on séjourne. Les groupes suivants de victimes doivent toujours être évacués et nécessitent un avis médical avisé :- Les victimes qui restent inconscientes
- Les blessés qui présentent une fracture ouverte du crâne ou une fracture de la base arrière du crâne (même fermée)
- Les blessés qui ont eu des convulsions
- Maux de tête s’aggravant
- Vomissement
- Somnolence
- Confusion
- Pupille aréactive, dilatée d’un ou des deux côtés
- Convulsions
- Sang ou fluide s’écoulant du nez ou des oreilles
- Lacérations profondes du scalp
- État de conscience se dégradant
Évanouissement
L’évanouissement n’est pas communément défini comme un problème médical sérieux. Cela peut suivre une sévère douleur aiguë, une insolation, une déshydratation, un manque de nourriture ou un stress émotionnel. Les évanouissements sont provoqués par une diminution temporaire du flux sanguin dans le cerveau. Le pouls devient très lent durant un évanouissement, à l’inverse du choc durant lequel le pouls accélère. Une personne qui est sur le point de s’évanouir devient habituellement très pâle, commence à transpirer et peut éventuellement se sentir nauséeux. Dès les premiers signes, il faut encourager la victime à s’asseoir la tête entre les jambes ou à se coucher sur le dos. Si la victime perd conscience, la laisser couchée, mais lui relever les jambes à 45° et relâcher les vêtements trop serrés afin de faciliter la circulation sanguine. Dès que la victime recouvre conscience, la rassurer et si elle a chuté au moment de la perte de connaissance : procéder à un contrôle de la tête aux pieds afin de repérer d’éventuelles lésions dues à la chute sur le solConvulsions
Un spasme ou une convulsion est causé par une activité électrique anormale dans une ou plusieurs parties du cerveau. Les convulsions sont le plus souvent observées chez les personnes souffrantes d’épilepsie, mais peuvent également survenir chez les malades atteints d’infections cérébrales (méningite et encéphalite), de tumeur cérébrale ou suite à un traumatisme crânien. Les personnes atteintes de diabète peuvent également convulser quand leur glycémie (taux de sucre dans le sang) devient trop basse, on parle alors de coma (choc insulinique). Les personnes intoxiquées par l’alcool ou la drogue peuvent aussi convulser durant la phase de sevrage. S’il y a une personne épileptique dans l’équipe ou l’expédition, il serait judicieux d’en apprendre davantage sur la gestion de sa maladie et de son traitement. Si une crise convulsive survient, il est important de prendre note des détails suivants :- Durée des convulsions
- Y a-t-il eu perte de conscience ?
- Est-ce que les 4 membres ont convulsé ?
- Y a-t-il eu roulement des yeux, forte salivation ou incontinence ?
- Y a-t-il eu une période de somnolence après la crise ?
- Ne pas tenter d’immobiliser une victime de convulsions, sauf si une blessure est probable.
- Durant la crise, ne rien tenter à l’exception de protéger la victime d’une chute sur un objet en dégageant ses alentours
- Ne rien introduire dans sa bouche (stylo, morceau de bois…) afin d’éviter de casser des dents ou de se faire mordre
- Quand les convulsions sont terminées, libérer et protéger les VAS
- Placer la victime en PLS
- Si les convulsions surviennent après un trauma crânien, procéder à une évacuation rapide de la victime
- S’il y a suspicion de méningite, traiter avec antibiotiques et évacuation rapide. Il faut suspecter une méningite en présence des symptômes suivants : forte fièvre, maux de tête aigus, vomissement, raideurs dans la nuque, hypersensibilité à la lumière et éruption cutanée.
Diagnostiquer la mort
Malheureusement, la mort est toujours un risque dans les activités en contexte isolé. Il est essentiel de pouvoir diagnostiquer la mort avec certitude, particulièrement si le corps, pour diverses raisons, en fonction du contexte de voyage, d’expédition, doit être laissé sur place. Au sujet des victimes d’hypothermie et d’immersion dans l’eau froide, les Anglos Saxons citent fréquemment comme base de la prise en charge, l’adage : « Nobody is dead until warm and dead », littéralement : « Personne n’est mort avant d’être chaud et mort ». Ce qui signifie que ce type de victimes ne devrait jamais être considéré comme morte avant d’avoir été correctement réchauffé. La littérature est riche de publications faisant état de victimes hypothermes ayant survécu après une prise en charge énergique donnant ainsi raison à l’adage. Si le corps doit être abandonné, il est important de prendre des photos et de particulièrement bien documenter les circonstances et tous les actes entrepris afin que le secouriste soit capable d’établir les faits auprès des autorités. Les signes de mort :- Inconscience
- Absence de sons du cœur (à écouter avec un stéthoscope ou avec l’oreille durant 2 minutes)
- Plus d’activité respiratoire
- Les pupilles restent fixes et dilatées, même stimulées par une lumière en leur direction
- Lésions incompatibles avec la vie (décapitation, démembrement du tronc, corps congelés et durcis depuis plusieurs jours…)
- Décomposition avancée
- Le risque sanitaire en voyage (statistiques, vigilance, préparation)
- Les problèmes gastro-intestinaux
- Les traumas
- Les plaies simples et graves
- Problèmes médicaux généraux (Malaises)
- Problèmes liés à l’environnement (Pollution, eau, froid, chaleur, soleil, foudre, altitude)
- Insectes, animaux venimeux et empoisonnement
- Problèmes dermatologiques
- Les infections tropicales (Malaria, dengue, hépatites)
- Problèmes dentaires
- La pharmacie et la trousse de premiers soins
Que faire en cas de #3 : Les traumas (2/2)
Avec cette deuxième partie, nous poursuivons et achevons notre thématique traitant de la prise en charge des traumas en milieu isolé. Les fractures et entorses sont courantes et quoique bien souvent peu graves, elles sont toutefois très douloureuses. Ce dernier point...
Que faire en cas de #2 : Les infections gastro-intestinales
Pour ce deuxième chapitre, nous allons principalement aborder un des grands classiques des problèmes de santé rencontrés par les voyageurs. En effet, les statistiques de problèmes sanitaires listés par ordre décroissant classaient, et de loin, les maladies...
Que faire en cas de #1 : le risque sanitaire en voyage
Avec ce premier chapitre d’une nouvelle série d’articles qui en comportera 11, nous allons aborder un fondamental de toute vie humaine : la santé. La santé en voyage est aussi essentielle que lors de n’importe quelle autre phase de notre existence, mais les...