Que faire en cas de #1 : le risque sanitaire en voyage
Avec ce premier chapitre d’une nouvelle série d’articles qui en comportera 11, nous allons aborder un fondamental de toute vie humaine : la santé.
La santé en voyage est aussi essentielle que lors de n’importe quelle autre phase de notre existence, mais les questions sanitaires peuvent devenir plus délicates à gérer au fin fond du désert de Thar, ou sur le Mékong avec des enfants, voire dans un hôtel en Chine. La langue, les repères, le nom des médicaments, la qualité des soins, l’hygiène, la spécificité du problème peuvent influencer et compliquer la gestion d’une maladie, d’un accident. Hoover a écrit « L’information c’est le pouvoir » et effectivement, être informé sur le sujet, voire encore mieux, être formé (aux premiers soins loin de toute aide médicale), c’est anticiper les problèmes, se préparer à les solutionner, ainsi que comprendre les enjeux pour pouvoir prendre des décisions fondées sur des connaissances le jour où cela s’impose dans la salle d’urgence d’un hôpital de Gambie.
Que risque-t-on ? Quelles maladies ou problèmes surviennent le plus en voyage ? Quel axe prendre pour se préparer à ces questions ?
Ce sont là plusieurs questions auxquelles ce premier chapitre va tâcher de répondre.
Le risque sanitaire et médical
Les dangers et les risques sont inhérents à tout ce que nous faisons. Le degré de danger et de risque sanitaire est dépendant, notamment, de la nature de l’activité et du lieu où elle va se dérouler. En Belgique, en France, ce degré de risque est considérablement moindre qu’outre-mer, particulièrement dans les pays en développement où nos connaissance et habilité à contrôler notre environnement sont moins importantes. L’évaluation des risques sanitaires doit dès lors faire partie de toute préparation sérieuse de voyage. Il s’agit d’éviter le “biais optimiste” qui revient à se dire qu’il n’est jamais rien arrivé jusqu’à présent et que donc il n’arrivera jamais rien, mais plutôt d’envisager un large panel de situations inattendues. Cette analyse du risque sera plus ou moins approfondie en fonction de plusieurs paramètres : notre état de santé initial (passé ou présent médical significatif, diabète, grossesse…), des personnes qui nous accompagnent (bébé, enfant, personnes âgées, malade chronique…), de notre destination (aride, tropicale, montagne, loin de toute aide médicale…), de la durée (2 jours, 3 mois, 1 an…), du mode de voyage (à pied, en bus, en kayak…). À la lecture de ces quelques possibilités, on en déduit qu’il y en a des centaines d’autres formant ainsi des dizaines de combinaisons possibles et on se rend immédiatement compte que cette évaluation du risque sanitaire, même s’il y a des points communs, sera différente pour chaque voyage, expédition ou déplacement à l’étranger.
Voyager, que ce soit pour le boulot ou pour d’autres raisons, c’est emmener qui nous sommes, avec nos compétences et défaillances, ailleurs. Ni plus, ni moins. C’est vivre momentanément dans un lieu peu ou pas connu, avec des mœurs et une réalité du quotidien un peu ou tout à fait différentes de notre lieu de vie habituel. Circonstances auxquelles nous serons donc confrontés avec nos seules aptitudes, mais aussi nos lacunes. Comme pour n’importe quelle autre expérience, il semble évident qu’un minimum de préparation paraisse indispensable.
Habitué à évoluer dans des pays prospères et où le niveau sanitaire et d’hygiène est relativement important, il est essentiel de prendre conscience qu’une grande partie du monde ne correspond pas à ce tableau et que nos organismes y sont parfois mis à rudes épreuves.
Nous voyageons toujours plus, plus loin et plus longtemps. En 2011, les Belges (11 millions d’habitants) ont effectué plus de 8,1 millions de voyages à l’étranger et environ 20.000 autres belges se sont expatriés (Source : Eurostat). Les pays (hors UE) les plus visités par les Belges sont la Turquie, les USA, la Chine, la RDC, l’Australie et l’Inde (Source : Belga). Les chiffres relatifs aux pays voisins (Allemagne, France et Pays-Bas) sont sensiblement identiques, en proportion au nombre d’habitants bien sûr. Dans les 208 pays couverts, Europ Assistance est intervenue dans 136 pays auprès de 900.000 voyageurs en détresse (Source : Rapport d’activités du Groupe EA 2011-2012). Une étude menée par le cabinet IPK International révèle que 1 touriste européen sur 7 est victime de problèmes médicaux sérieux (accidents, agressions ou maladies) et que 1 autre est victime d’une agression diverse (Source : IPK International Consulting).
Il y a donc, statistiquement, 28% de voyageurs qui auront à faire face à des soucis plus ou moins importants de santé.
La nature du risque médical
Le risque varie donc en fonction de plusieurs facteurs. La destination est un de ces facteurs. Sans entrer dans les détails par pays, ce diagramme indique le pourcentage d’évacuations médicales organisées par les professionnels français de l’assistance voyage durant l’année 2013. Ces chiffres seraient à paramétrer avec le nombre total de voyageurs par continent. En effet, beaucoup plus de voyageurs se rendent en Europe qu’en Afrique ou en Asie. Ce qui conforterait encore la position de ces continents comme étant ceux d’où l’on rapatrie le plus de voyageurs.Graphique 1 : évacuation médicale en % par continent
(Source des chiffres : Rapport annuel 2013 de l’association professionnelle des assureurs en assistance de voyage)
Problèmes médicaux
Au vu du graphique 1, on constate qu’un certain nombre d’incidents sanitaires nécessite une évacuation et donc compromet la poursuite du voyage ou de la mission et que le nombre de (mal)chances d’avoir à recourir à la solution extrême qu’est le rapatriement sanitaire augmente en fonction du continent où se déroule le voyage.
Fort heureusement, le nombre de détresses médicales sérieuses est relativement faible. Toutefois, et tout voyageur le sait par expérience, le nombre de soucis médicaux mineurs, nécessitant parfois la consultation d’une structure médicale locale, n’est pas à négliger. Plaies diverses, éruption cutanée, rhume, diarrhée, fracture d’un membre arrivent chez nous et bien sûr, surviennent en voyage également. De plus, les déplacements en zones tropicales ajoutent d’autres risques tels que la dengue, le paludisme, etc. Qu’est-ce qui a le plus de probabilités de nous indisposer en voyage ?
Graphique 2 : Catégories générales de problèmes médicaux ayant affecté un panel de 835 voyageurs
Source des chiffres : Internationnal expedition and travel medicine association of UK (2013)
Le graphique 2 montre les grandes catégories de problèmes de santé qui ont affecté un panel de 835 voyageurs et membres d’expéditions. Dès le premier coup d’œil, on constate que l’entrée Gastrointestinal (diarrhée du voyageur et infections intestinales) occupe incontestablement la première marche du podium. La rubrique Médical général inclut ici les rhumes, angines, malaises divers (épilepsie, hypoglycémie,…), détresses respiratoires (asthme, hyperventilation, pollution…) et allergies, etc. La catégorie Orthopédique traite des affections du squelette, des articulations, des muscles et des tendons. Le froid, la chaleur, les noyades, le mal de montagne ou d’altitude, le mal du transport, etc. entrent dans la rubrique Environnemental. L’étude a regroupé les morsures d’animaux, reptiles ou arthropodes (araignées), les piqûres d’insectes, de poissons, de méduses, de raies, etc. dans une rubrique nommée Faune/Insectes. Les problèmes Podologiques quant à eux regroupent les maladies et soucis aux pieds : cloques, tendinite, mycoses, fracture d’orteil, plaies simples et graves (oursins, morceau de verre, etc.). Enfin, le thème Chirurgical sous-entend des pathologies nécessitant une intervention opératoire par un chirurgien telle que crise d’appendicite, occlusion intestinale, etc.
Après avoir détaillé ces grandes catégories en problèmes médicaux plus spécifiques, un classement (Graphique 3) apparaît où se détachent nettement 3 cas distincts, dans l’ordre : les pathologies gastro-intestinales, les traumas (fractures et contusions) et sur la 3e marche du podium de ce qui arrive en voyages et expéditions, on trouve ce qu’il convient de nommer les problèmes médicaux généraux, rubrique dans laquelle on peut trouver les malaises divers tels qu’hypoglycémie, déshydratation, crise d’asthme, crise convulsive, mais aussi les rhumes, angines, sinusites, etc. Ces informations sont utiles afin d’optimiser une préparation au départ.
Graphique 3 : Catégories détaillées sur le même panel de 835 voyageurs
Source des chiffres : Internationnal expedition and travel medicine association of UK (2013)
La prévention est la meilleure médecine
Le refrain est connu. Souvent répété, pas assez appliqué. Il ne s’agit pas d’un excès d’anxiété que d’appliquer quelques mesures préventives qui font du voyageur un opérateur plus averti et à même de prendre soin de lui, de ses collègues ou des siens dans un pays plus ou moins lointain, en contexte plus ou moins dégradé.
- Suivre une formation de premiers soins (Urgences Vitales, BLS/Basic Life Support)
- Suivre un programme de vaccinations adapté à la destination et rester en ordre de vaccinations courantes (p.ex. tétanos)
- Connaître son groupe sanguin et disposer d’une carte médicale internationale le spécifiant
- Pour les personnes à problèmes médicaux spécifiques (diabétique, épileptique,…) ou allergies, porter un bracelet d’identification avec ces informations, dans la langue locale
- Prophylaxie pour les infections transmises par les insectes (p.ex. malaria, dengue)
- S’équiper d’une pharmacie et d’une trousse de premiers soins adaptées
- S’informer sur la nature du risque sanitaire, du niveau d’hygiène de la destination
- Lire les parties relatives à la santé, à la présence d’hôpitaux, de médecins dans notre guide de voyage ou chercher cette information (Internet, ambassade, pharmacie locale)
- Contracter un contrat d’assistance et évacuation médicales pour les cas extrêmes et disposer des informations de contact nécessaires
Pour conclure
La plupart des voyages se passent sans souci majeur de santé. Les statistiques mettent toutefois en évidence que les incidents sanitaires arrivent, avec une répartition différente en fonction des continents visités et avec des issues différentes en fonction de la gravité du problème, mais aussi du niveau de préparation des voyageurs. Se former, être en ordre de vaccin, s’informer sur la médecine en voyage, constituer une trousse de secours et de premiers soins, s’équiper de moustiquaires sont une série de mesures qui font partie des activités d’un voyageur averti. Quand elles sont mises en place pour un voyage, une mission, la plupart de ces mesures restent efficaces pour les suivants. Être dans cette optique de prévention en permanence, naturellement, rend cet aspect peu contraignant puisque évident et reconductible sans effort particulier d’une destination à l’autre au fur et à mesure de nos voyages.
La médecine de voyage en articles
10 articles supplémentaires complèteront cette introduction sur la médecine de voyage. Le chapitre 11, La pharmacie et la trousse de premiers soins a déjà été publié il y a quelques mois. Régulièrement, un nouveau chapitre viendra compléter cette approche non exhaustive de la question médicale loin de la maison, en voyage ou en expéditions. Nous aborderons les notions suivantes, chapitrées :
- Le risque sanitaire en voyage (statistiques, vigilance, préparation)
- Les problèmes gastro-intestinaux
- Les traumas
- Les plaies simples et graves
- Problèmes médicaux généraux (Malaises)
- Problèmes liés à l’environnement (Pollution, eau, froid, chaleur, soleil, foudre, altitude)
- Insectes, animaux venimeux et empoisonnement
- Problèmes dermatologiques
- Les infections tropicales (Malaria, dengue, hépatites)
- Problèmes dentaires
- La pharmacie et la trousse de premiers soins
Bons voyages !
Stay safe, sharp and ready
Sources bibliographiques
Emergency Care, 5th edition, Nancy Carolin, AAOS
First Aid and Wilderness Medicine, Dr J. Duff et P.Gormly
Expedition and travel Medicine, Royal Geographic Society UK
Journal of Travel Medicine, UK
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