Une photo, une histoire #11 : Saint-Louis, Sénégal
On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans.
Saint-Louis du Sénégal ! L’Afrique ! Mon premier vrai voyage ! À 17 ans…
Cette photo est sortie de la caisse aux souvenirs grâce à notre déménagement. Je suis retombée sur l’album de mon voyage au Sénégal en 2000. Je me suis plongée dans ces photos et me suis laissée envahir par tous ces souvenirs marquants. L’Afrique, ce continent qui me faisait tant rêver, c’est au travers d’un projet photo que je l’aurai rencontrée. C’était la première fois que je sortais d’Europe (en dehors des voyages organisés faits avec mes parents plus jeunes) et que je partais à la rencontre des gens. La première fois que j’allais vivre un pays. Je ne savais pas ce que je devais emporter. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Je n’avais pas de blogs pour m’aider à préparer ce voyage. Je n’avais même pas consulté un guide. Je partais vers l’inconnu pendant un mois. Excitée et angoissée. Dans mon sac, bien trop de choses inutiles. Et quelques pellicules.
A peine arrivée, c’est le choc. Je mentirais si je disais que c’était extraordinaire, que j’ai adoré, que je me suis sentie tout de suite bien. Non ! J’ai été effrayée en sortant de l’aéroport, ébranlée, bousculée, chamboulée, déstabilisée. Ce que j’ai vu, senti et vécu était tellement à l’opposé de mon quotidien. Les premiers jours ont été difficiles. M’habituer à un autre rythme. M’habituer à la foule. M’habituer aux grandes familles. M’habituer à la nourriture. Aux odeurs fortes et puissantes. M’habituer à la chaleur. J’étais hébergée dans la famille souriante de Magatte, dans la banlieue de Dakar, Guédiawaye. Une grande maison équipée d’un frigo et d’un téléviseur et hébergeant un marabout. Il m’a fallu m’habituer aux toilettes, à la douche, aux grands plats partagés, à la vie qui commençait avec la première prière. J’ai été malade. Non pas ce que vous croyez. Mais une pharyngite. J’ai été soignée avec des plantes par la soeur de Magatte. J’ai bu chaque jour du jus d’hibiscus et mangé du thiéboudiène. J’ai épluché 10 kilos d’oignons pour un mariage. J’ai pris des photos au marché, dans les rues et sur la plage. J’ai photographié mes premiers bateaux de pêcheurs en noir et blanc. J’ai observé la vie et la collecte des déchets. Nous avons monté un labo de développement et développé nos photos dans une chaleur suffocante. Nous avons partagé des moments de discussions, de cuisine, de fêtes et de football. Nous avons visité Dakar, le Lac Rose (qui n’était pas très rose lors de notre passage), l’île de Gorée, le port de Dakar, l’université et Saint-Louis.
Saint-Louis ! Ce moment est passé comme dans un rêve. J’ai à peine eu le temps d’arriver que nous partions déjà. Une autre ambiance encore. Il m’en reste des images furtives, des sensations, des bruits et encore des odeurs. Je n’ai pas fait beaucoup de photos à Saint-Louis. Je pense que j’étais trop occupée à sentir. Saint-Louis ! Les derniers jours de ce voyage au Sénégal. Beaucoup de mélancolie m’habitait déjà. Je commençais à me sentir bien dans ce pays, à trouver mes marques, à m’habituer à toutes ces différences. J’avais envie de rester encore un mois pour enfin vivre pleinement. Le regret aussi de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas avoir assez partagé, de ne pas m’être assez ouverte. Et bien que les premières semaines, je voulais rentrer. Désormais, je ne voulais plus quitter ce pays, cette famille, cette maison.
La veille du départ, j’ai pleuré. L’émotion m’a submergée. J’ai perdu le contrôle. Les barrières sont tombées. Je me suis révélée. J’ai laissé entrer le rythme. Trop tard. Mais cette sensation fut magique.
Avec le recul, ce voyage a été une étape importante pour moi. Il m’a ouvert les yeux sur le monde, sur les différences, sur le fait qu’il est possible de vivre autrement. Il m’a donné le goût d’aller voir, d’aller sentir, d’aller vivre. A la recherche de cette émotion qui m’a alors gagnée en juillet 2000. À la recherche de l’ailleurs. Je suis revenue avec un regard critique sur notre manière de vivre. Et même si je n’ai pas été à la hauteur. Et même si j’ai pleuré. Je suis heureuse d’avoir vécu cette magnifique expérience. Je suis heureuse de l’avoir vécue à 17 ans. Et je crois qu’elle a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Une sorte de voyage initiatique (un peu trop court).
Et vous, quel fut votre voyage fondateur ? N’hésitez pas à partager. Ce sont toujours de belles expériences.
Episodes précédents : #1 Chinguetti en Mauritanie, #2 Syracuse en Italie, #3 Vila Praia de Ancora au Portugal, #4 Pula en Croatie, #5 Sur les hauteurs de Hotton en Belgique, #6 Sur la route vers Agadir au Maroc, #7 Cochon d’Alsace en France, #8 En train vers Naples en Italie, #9 Koh Chang en Thaïlande et #10, Equihen-Plage en France
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Pour moi c’était l’année suivante, 6 semaines à Melbourne. Avec comme toi la sensation finale de ne pas avoir été à la hauteur, de ne pas avoir su en profiter totalement, d’être trop renfermée.
Mais je pense que c’est ce qui a influencé les voyages suivants, ce n’était qu’une première étape.
Tiphanya Articles récents…Dans ma bibliothèque #5
Oui, une première étape qui permet de prendre conscience du monde et puis de repartir en étant plus averti et ouvert. Des expériences importantes et riches en apprentissages.
C’est des souvenirs incroyables le premier voyage et dehors des frontières de notre monde confortable. Je pense que la plupart d’entre nous sont pas mal marqués par cette première fois. Parfois, c’est trop difficile et ça ne passe pas, parfois c’est d’entrée de jeux la fascination, et souvent c’est un entre-deux. Moi aussi ma première fois, c’était en Inde, bah ça n’avait pas forcément été des plus faciles, mais un monde dont j’ignorais même l’existence c’est fait jour.
Deux R12 break, c’est collector ça, excellente cette photo 🙂
Laurent Articles récents…Astana, la Dubaï des steppes kazakhes
Merci Laurent ! Je ne connais pas ces voitures. Une photo en argentique réussie alors 🙂 Oui, ce sont des souvenirs forts et incroyables. Une première fois en Inde, c’est placer la barre très haut ! L’Inde semble tellement déboussolante. Qu’en est-il sorti de ton premier voyage ? Je ne me sens pas encore d’aller en Inde. Et pourtant…
Très haut, peut-être, mais à l’insu de mon plein gré. J’avais zéro expérience de voyage, et je ne savais pas que l’Inde était l’Inde ! Ça m’a secoué, suffisamment pour passer du mode « le voyage, pourquoi pas, mais bon » au mode « bah voyager, c’est un truc génial » 🙂