Une photo, une histoire #10 : Equihen-Plage, France
2010 fut pour moi une année fort agitée mais toutefois totalement libératrice. En 2010, j’ai enfin compris qui j’étais et ce qui m’animait. J’ai compris pourquoi je ne trouvais pas ma place. J’ai compris que ma vie était sur les routes, dans le mouvement, dans l’impermanence. En 2010, nous avions tout lâché pour partir avec un fourgon aménagé sur les routes d’Europe et du monde. Nous n’avions pas défini de durée à notre voyage puisqu’il s’agissait avant tout pour nous d’un nouveau mode de vie plus en accord avec nos valeurs et ce que nous ressentions. En 2010, je me suis enfin sentie en paix lorsque nous avons démarré par une grise matinée d’automne et mis le cap vers le sud. Il nous semblait important de commencer cette nouvelle vie avec Grégoire. Alors, afin d’éviter de prendre des billets d’avion pour le ramener chez sa maman et de tester notre matériel, nous sommes partis faire une boucle dans le Nord Pas-de-Calais, sur la Côte d’Opale.
Cette photo a été prise sur la plage à Equihen entre deux averses. Il s’agit de Grégoire qui joue à cache-cache entre les rochers à la recherche de coquillages et de petits crabes. Il venait d’avoir 3 ans et profitait au maximum de cette toute nouvelle vie. Je me souviens de cette journée grise, venteuse et pluvieuse. Je me souviens du vent qui frappait nos visages, des joues rouge, des nez qui coulent, de notre bonheur d’être là malgré le temps et l’humidité froide. Je me souviens du bruit des vagues qui se fracassaient sur les rochers, des cris des mouettes, de l’écume des vagues, du sentier recouvert de ronces que nous avions emprunté pour descendre sur la plage. Je me souviens avec nostalgie de ces beaux instants qui semblent déjà tellement lointains.
Ce que j’aimais dans cette vie et que je n’ai jamais trouvé dans la sédentarité, c’est ce sentiment de liberté. Je me sentais libre dans mes mouvements et, surtout, dans ma tête. Les appartements, les maisons, les écoles, les bureaux m’oppressent, me pèsent, m’étouffent et m’éteignent. Je me sens alors enfermée comme un lion derrière les grilles de sa cage dans un zoo. Et je tourne en rond. L’esprit obnubilé par l’enfermement et le besoin de sortir. Dans notre fourgon, sur les routes, sur les parkings, je me sentais enfin connectée avec moi-même et le monde. J’aimais vivre dehors avec les aléas climatiques et au rythme du soleil (d’où mon envie de voyager à pied). J’aimais me promener sous la pluie et me réchauffer ensuite avec un thé, sentir le vent bercer notre fourgon la nuit, dormir sous la couette quand il faisait -10°, me lever aux premières lueurs du jour. La vie sur la route nous offrait des émerveillements au quotidien loin de la routine. Je me sentais légère. J’aimais la simplicité de cette vie. Voir et sentir qu’il est possible de vivre avec peu de choses et se contenter de l’essentiel. Vivre dans ce fourgon était un équilibre parfait et une source d’énergie positive.
Bien que cela se soit brusquement interrompu quelques mois plus tard, je n’ai jamais perdu l’espoir de retourner dans une vie sur la route. J’ai essayé tant bien que mal de me réadapter à mon statut de sédentaire. Mais je n’ai jamais réussi à rentrer. L’esprit vagabondant et le corps s’éteignant petit à petit. Maintenant, quatre années plus tard, nous nous allégeons à nouveau et reprenons enfin la route. Sans fourgon cette fois. Je me sens à nouveau libérée et légère. Pleine de foi en l’avenir et confiante. Consciente de nos erreurs passées et donc plus forte. Je suis prête à assumer mes choix. Je suis prête à faire face aux difficultés. Je suis prête à ouvrir le champ des possibles et à me laisser guider par cette voix intérieure qui prend bien soin de moi. Et même si cette attente a été longue, je sais qu’elle n’aura pas été vaine.
Au travers de cette photo, c’est donc bien plus qu’une histoire que je vous livre mais une petite partie de mon être. L’incapacité à vivre pleinement autrement. La joie du nomade. Le bonheur de voir les êtres s’épanouir au contact du monde et de la nature. Parce que notre place n’est pas entre quatre murs.
Et vous, quel est l’endroit où vous vous sentez en paix, en équilibre, à votre place ?
Episodes précédents : #1 Chinguetti en Mauritanie, #2 Syracuse en Italie, #3 Vila Praia de Ancora au Portugal, #4 Pula en Croatie, #5 Sur les hauteurs de Hotton en Belgique, #6 Sur la route vers Agadir au Maroc, #7 Cochon d’Alsace en France, #8 En train vers Naples en Italie et #9 Koh Chang en Thaïlande.
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