Le Festival des Etonnants Voyageurs
Etonnants voyageurs ! quelles nobles histoires
Nous lisons dans vos yeux profonds comme les mers !
Montrez-nous les écrins de vos riches mémoires,
Ces bijoux merveilleux, faits d’astres et d’éthers.
Nous voulons voyager sans vapeur et sans voile !
Faites, pour égayer l’ennui de nos prisons,
Passer sur nos esprits, tendus comme une toile,
Vos souvenirs avec leurs cadres d’horizons.
Dites, qu’avez-vous vu ?
Le Festival des Etonnants Voyageurs, c’est notre rendez-vous littéraire et voyageur annuel à Saint-Malo depuis maintenant 6 ans. Synonyme d’aventures, de réflexions, de rêves et de belles rencontres, cet événement était devenu notre incontournable. Etait ? Oui, car cette dernière édition nous a laissé une certaine amertume. Nous n’y avons pas retrouvé cet esprit que nous aimions tant. Retour sur la fin de notre histoire d’amour avec ce festival unique en France.
Le Festival des Etonnants Voyageurs a 25 ans
Il a été créé en 1990 par Michel Le Bris entre autres. Un Festival « pour une littérature voyageuse, aventureuse, ouverte sur le monde, soucieuse de le dire ». Un Festival pour faire connaître et découvrir ces écrivains qui écrivent le monde et sortir du nombrilisme français en proposant des auteurs, du monde entier, témoins du monde à venir. Plutôt axé à l’origine sur les écrivains-voyageurs, le festival a accueilli des auteurs tels que Nicolas Bouvier, Ella Maillart, Kenneth White, Colin Thubron, Théodore Monod, Anita Conti, Francisco Coloane, Jim Harrison et bien d’autres encore… Petit à petit, le festival s’est étoffé et de nouveaux thèmes se sont ajoutés toujours dans le but de parler du réel au travers de la fiction et de l’imaginaire. Les romans policiers, la science-fiction, la bande dessinée, la poésie, la littérature jeunesse, les films et documentaires. De nouveaux auteurs, des réalisateurs, des journalistes, des reporters, des photographes, des dessinateurs, des chanteurs, des tagueurs, des slameurs. Une ouverture sur l’Afrique et Haïti. D’autres regards sur le monde. D’autres visions de la réalité. D’autres ouvertures sur le monde. D’autres aventures. De nouvelles saveurs.
Le Festival a lieu depuis ses débuts à Saint-Malo, une ville de flibustiers, de marins, une porte vers le monde. Un lieu chargé d’histoires et d’aventures. Si au départ, le festival prenait place uniquement au Palais du Grand Large, aujourd’hui il s’étend dans toute la ville. D’Intramuros à la Grande Passerelle près de la gare. Des lieux de rencontres multiples, un cadre souvent enchanteur, une véritable invitation au voyage.
Au fil du temps donc, plus de thématiques, plus d’auteurs, plus de rencontres, plus de lieux, plus de kilomètres à parcourir pour assister aux rencontres ou projections, plus de monde aussi.
Une histoire particulière avec ce festival
Découvrant ce festival à 16 ans au travers d’un numéro du Magazine littéraire, j’aurai finalement attendu 11 ans avant de pouvoir m’y rendre. Je m’étais engagée à y aller quoi qu’il arrive dans ma vie à ce moment-là. Et justement, ce moment-là était une période de grands chamboulements et la naissance d’un grand amour.
Mon premier Festival des Etonnants Voyageurs, je l’ai vécu avec Joël. Ce rendez-vous a donc une signification toute particulière pour nous : le souvenir d’un week-end merveilleux fait de belles découvertes, de longues discussions, de stimulations et de réflexions, le souvenir de notre premier week-end en amoureux orienté autour du voyage et de la littérature (les éléments fondateurs de notre histoire) sous un beau ciel bleu à lire sur la plage, le souvenir de nos douches sur le parking, le souvenir d’un macaron aux framboises, du cidre bu sur les remparts et des cris des mouettes.
Nous avions adoré cette première expérience. Les rencontres auxquelles nous avions assisté étaient bien menées et intéressantes et les sujets abordés évocateurs d’aventures. Une grande part était encore laissée aux écrivains-voyageurs et aux récits d’aventures et de voyage. Suite à cette édition, est née dans nos esprits l’idée de tout quitter et de partir vivre sur les routes. Cinq mois plus tard, nous serons effectivement sur les routes avec notre Judy Jumper pour une nouvelle aventure.
Pourquoi nous aimions tant ce festival ?
Habituée de la Foire du Livre de Bruxelles, cette première rencontre avec ce festival m’a totalement séduite. Ici, il s’agit de parler réellement de littérature, de parler du monde, du voyage, de la fiction, d’aventures. Les rencontres avec les auteurs et les films/documentaires sont au centre du festival bien avant le salon du livre, qui me semble davantage une annexe au festival, un prolongement. On y vient pour y parler avec un auteur lors d’une dédicace ou après une rencontre qui nous a particulièrement enthousiasmés ou encore pour y combler les temps morts quand il pleut dehors. Nous avons aimé les différentes thématiques choisies qui proposent une large palette de découvertes où tout le monde peut y trouver son compte. Une offre originale et variée. Du voyage mais aussi de la fiction au service du réel, des performances artistiques, des documentaires sur le monde tel qu’il est et comme il va, des saveurs du monde. Des reportages de guerre comme des films ethnographiques. La mer, le Grand Nord, le désert, les montagnes, les villes nouvelles et tentaculaires, les grands espaces américains. Chaque année, nous y trouvions notre bonheur et découvrions de nouveaux auteurs ou réalisateurs : Annemarie Schwarzenbach, Patrice Franceschi, Gérard Chaliand, Michel Vieuchange, Stéphane Breton, Anne Nivat, Manon Loizeau, Harry Martinson, Jan Yoors, Velibor Čolić, Alain Borer… J’en oublie certainement beaucoup d’autres…
Alors, même si beaucoup d’auteurs sont là pour faire la promotion de leur dernier livre, les débats auxquels nous assistions nous le faisaient oublier par la qualité des interventions. Nous n’allions jamais au Café littéraire que nous trouvions ennuyeux et qui ressemble davantage à une émission littéraire où les auteurs invités présentent leur roman et ne débattent pas vraiment autour du thème annoncé. Il y a eu des rencontres ratées parfois. Je pense en particulier à cette rencontre qui portait sur les grands espaces américains vus par des auteurs américains. Parmi les invités, David Vann et Jim Fergus. À l’époque, Jim Fergus, un auteur spécialiste des indiens et des grands espaces américains qu’il a longuement arpentés, venait de publier Chrysis, l’histoire d’une peintre à Paris dans les années 20. L’occasion était belle de discuter avec l’auteur des grands espaces. L’animateur s’est contenté de parler du roman qui venait de sortir, même si ce dernier avait l’air passionnant. J’ai donc été déçue et très énervée sur le coup par cette rencontre. Je n’étais pas venue pour entendre parler Fergus de son dernier roman mais plutôt sur sa vision du Wilderness. Malgré cette rencontre ratée, mon amour pour le festival était resté intact.
Chaque festival était également pour nous l’occasion de faire le bilan de nos projets et le plein d’énergie pour avancer vers ce qui nous tient à cœur et de ne pas perdre de vue qu’il est possible de vivre ses rêves et une vie alternative. Nous l’attendions avec impatience et en revenions boostés pour réaliser nos projets. D’un autre côté, nous avions aussi le sentiment de ne pas avancer, de ne faire que parler au lieu d’agir et de ne pas prendre les bonnes décisions. Une sorte de piqûre de rappel que pour vivre ses rêves, il faut se bouger, prendre des risques et aller de l’avant.
La fin d’une histoire d’amour
L’année passée, seule à Saint-Malo, j’avais assisté à quelques rencontres intéressantes, j’avais pris l’apéro avec John Vaillant, auteur du magnifique Le Tigre, et rencontré Kenneth White et Gérard Chaliand (à qui j’avais même donné mon numéro de téléphone). Malgré ces belles choses, je n’avais pas retrouvé l’engouement des éditions précédentes. J’étais seule et ne pouvais donc pas partager mes réflexions, je ressentais de la tristesse à y être sans Joël et, surtout, plus que les autres années, beaucoup de monde et des projections et rencontres auxquelles je n’ai pas pu assister par manque de place.
Lors de cette édition, nous y sommes allés en famille. Sacha a maintenant 3 ans. Une activité découverte lui est proposée en compagnie de Bénédicte Guettier, la créatrice de Trotro et de L’inspecteur Lapou, et il est capable de regarder un film plus de 15 minutes. Une garderie de 2 heures est mise à la disposition des parents afin qu’ils puissent assister aux débats et projections en toute sérénité. L’endroit est bien agencé, les animatrices gentilles et enthousiastes. Sauf que pour nous, c’était davantage une course contre la montre pour le déposer, aller là où nous voulions aller (si des places étaient encore disponibles) et le récupérer en manquant la fin du débat ou du film que nous étions en train de regarder. C’est la vie de parents ! Et là n’est pas l’origine de notre déception. Ni la rencontre avec un éditeur passionné au catalogue passionnant, Armand de Saint-Sauveur, des éditions Intervalles dont je suis en train de lire Les Ailes de Sarajevo de Bill Carter.
Déçus, nous l’avons été par la programmation tout d’abord. Aucun thème ne nous parlait réellement et les quelques intitulés de rencontres susceptibles de nous intéresser soit n’ont pas tenu leurs promesses soit nous sont passés sous le nez arrivant seulement 5 à 10 minutes à l’avance. Trop de monde. Beaucoup trop de monde. Des files interminables ou des débats poussiéreux et soporifiques. Où est cet esprit d’aventure, cette fougue des aventuriers ? Où sont aussi ces auteurs qui viennent pour discuter autour de thématiques voyageuses et non pour faire la promotion de leurs livres. Peut-être n’avons-nous pas fait les bons choix dans le programme ? Sûrement ! J’ai eu l’impression qu’on avait remplis des cases pour faire entrer les nombreux auteurs invités et puis qu’on avait mis un titre à chacune de ces cases. Peut-être que je me trompe. J’espère.
Et puis, nous avons été surpris par le nombre de cheveux blancs ou gris dans les salles. Nous ne nous sommes pas reconnus dans ce public. Nous nous sommes demandés à plusieurs reprises ce que nous faisions là. À nous distraire alors qu’il y a tant de choses à vivre et à faire, alors que nous avons quelques projets à mettre en place et à développer, alors que nous sommes encore jeunes et pleins d’avenir. Pourquoi cela nous a davantage marqué cette année ? Certainement la conscience que nous avons à faire notre propre chemin, que nous devons passer à autre chose maintenant et faire évoluer notre histoire. Nous sommes à un tournant de notre vie et il n’est plus temps de regarder en arrière ni de se divertir.
Le Festival des Etonnants Voyageurs n’a donc pas fait écho en nous cette année. Nous avons besoin désormais de remplir notre panier d’aventures. Nous avons besoin de nous plonger dans La beauté du monde. L’année prochaine, nous n’irons pas au festival. Je crois qu’il faut nous séparer quelques temps pour mieux nous retrouver une prochaine fois. Lorsque nous aurons mené à bien nos projets, lorsque les thématiques résonneront dans nos esprits voyageurs, lorsque nous aurons vu ce monde et que nous l’aurons écrit nous aussi…
Néanmoins, le Festival des Etonnants Voyageurs reste pour moi le meilleur festival francophone de littérature et de cinéma. Il reste une porte sur le monde et son exploration. Il reste un rendez-vous incontournable pour les passionnés de littératures, quelles qu’elles soient ! Voyageuse, imaginaire, poétique, policière, historique, aventureuse, … Michel Le Bris, et son équipe, ont créé un festival unique et stimulant. Un festival qui questionne le monde et évolue avec son temps. Bon vent les étonnants voyageurs !
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Je partage ton avis. Le festival est victime de son succès et du Chant des Sirènes. Un comble pour les organisateurs, initiés, par définition, et donc attentifs aux affres possibles de l’ivresse du voyage vers les Antipodes. Attirés par les images en mouvement, comme le reste de l’Humanité semble-t-il, ils nous proposent des films, encore des films, trop peut-être. L’équipe a changé, Michel Le Bris a cédé le flambeau, peut-être est-ce là le prix du renouveau, de l’évolution. Et ce public du 3eme âge, toujours plus présent, toujours plus demandeur d’activités pour combler ce temps restant, toujours plus organisé que n’importe quel autre public et donc toujours premier dans les files, il m’a fait me sentir pas ou plus à ma place. J’ai adoré ce rendez-vous annuel. Ce Festival, il m’a fait rêvé, il m’a évoqué tant de départs, il m’a fait connaitre tant de Fous voyageurs, et là – et peut-être est-ce son rôle aussi – je dois à mon tour quitter le nid, nourri et repu d’idées vagabondes. Merci Saint-Malo et les flibustiers de la page aventureuse.