Le voyage en train, dernier bastion de la liberté ?
Ah le voyage en train ! Les trains traversent les cartes et nous sommes libres de les accompagner devenant ainsi ce que Rimbaud nommait un enfant fou de cartes. Seraient-ils un des derniers bastions de la liberté ?
Les trains m’emmènent vers les champs, ceux des moissons, ceux des possibles. Les paysages abreuvent mon âme, la vie des Hommes nourrit mes pensées.
On y côtoie les gens sans pour autant devoir les fréquenter. Observer ces Autres abreuve ma curiosité. Qui sont-ils ? Sont-ils heureux ? Quels sont leurs secrets ? Quel est leur rôle dans cette comédie humaine ?
Les trains, y lire, y écrire, y dormir, y manger, y discuter. Ils sont tour à tour bibliothèque, bureau, véhicule, dortoir, restaurant, salon de thé… Selon mes désirs, ils se modulent, se déclinent. On peut y embarquer partout, en descendre où l’on veut, y remonter plus loin et traverser la Terre entière. Ces voies qui crèvent l’horizon paraissent ne jamais finir. Et au bout ? D’autres gares avec d’autres rails et d’autres motrices emportant d’autres wagons où je serai peut-être, où mon esprit est déjà.
J’aime les trains, car ils sont lieux d’existence. Théroux écrivait qu’un train n’est pas un véhicule. Un train fait partie intégrante d’un pays. C’est un endroit.
L’aventure poétique du voyage en train
Chaque voyage est une vie, disent les Gitans, et les vies m’intéressent. Alors, il me faut m’installer à bord d’un train, croiser des destinées et voyager dans une géographie poétique. Ou passer de l’un à l’autre, rouler et rouler encore. Être emmené pour des endroits dont les noms inspirent et décider, sur un coup de tête, de les quitter bien avant ou beaucoup plus tard, n’importe où sauf à la gare où l’on avait imaginé descendre.
En train, l’aventure débute à la gare qui suit celle où l’on a embarqué. Les trains pénètrent en profondeur ce qui me captive : sociétés et paysages. On entre dans les cités humaines pour filer, dès que les portes se referment, vers les campagnes et les forêts pour ensuite retourner chez les humains. De la cohue à la solitude. Oui, les trains comblent mes paradoxes et atténuent mes dualités.
Ce cycle, renouvelable à l’infini, est comme un rythme, un battement de cœur et me tient en vie. En permanence, des trains roulent, entrent en gare, fendent les campagnes, jour et nuit, dans tous les endroits du globe. Cette pensée m’étourdit, m’enivre d’idées vagabondes.
Pour moi, une errance ferroviaire infinie avec livres, appareil photo, carnet de notes comblerait largement tout le reste de mon existence. Oui, aller n’importe où, n’importe quand ou vers Nulle part.
Les trains font subsister un peu de ballotage, de sensations, de visuel, de dégradés de couleurs, de lenteur – encore que la grande vitesse gagne toujours plus de voies – pour que nos corps et nos sens éprouvent le voyage. Cette progressivité, cette lenteur nécessaire – à l’opposé de la tendance globale – permettent de se sentir partir, avancer et changer de place. Train, ce mot qui signifiait trainer, garde ses gênes étymologiques et influence le voyageur, qui accepte de prendre le temps de le saisir, à muser. Il permet, contrairement aux déplacements aériens, à notre corps d’arriver à destination presqu’au même moment que notre âme.
Mais bon, il n’y a pas que le train…
Non, mais sur les rails, on échappe aux contraintes sécuritaires et à cette rigidité étouffante inhérente aux transports aériens. On ne subit pas l’inconfort des déplacements routiers avec leurs embouteillages, pannes, stress et isolement. Le mal de mer n’a pas cours dans un wagon, ce qui m’agrée. Bien qu’aborder la Terre à contre angle éveille également en moi des rêveries romantiques, je ne parviendrais malheureusement pas à contenir mes peurs liées à l’impuissance que les vastes étendues océanes me suscitent. De plus, je rendrais chacun de mes repas dès que la mer gronderait pour rappeler que les mortels n’ont rien à faire sur ses flots. Pas plus qu’accompagner un âne, qu’il soit de chair et d’os ou métallique à deux roues, les voyages à pied de longue durée, malgré toute la noblesse que je leur confère, ne sont pas pour moi.
Alors, les trains, qui nous offrent aussi un angle différent pour aborder le monde et le traverser, me conviennent parfaitement. Non, pas d’exploits sportifs, pas d’originalité, pas d’effet de mode, rien de sensationnel, le train est à contrevoie de tout cela.
Et l’avion dans tout ça ?
Les aéroports et les avions sont des lieux communs. Où que l’on aille, toutes compagnies et pays confondus, à quelques détails de modernité près, se ressemblent. Peu importe leurs codes vestimentaires, ce que l’on y sert comme repas, le film qu’on diffuse ou le visage des douaniers, l’uniformité de ces instants stérilisent la magie de l’odyssée vers l’ailleurs. Ces zones de passage aux formalités internationales, toujours plus contraignantes et infantillisantes, nous laissent désagréablement, en tous lieux, en terrain connu. Nous les quittons pour en rejoindre d’autres qui ressemblent à s’y méprendre à celui dont on s’éloigne provoquant ainsi une étrange sensation de ne pas changer de place, mais de subir le désagrément du trajet. Il en va de même pour le passage dans l’avion, endroit tellement standardisé qu’il est rare d’en garder un souvenir singulier. On se déplace assis, serré, coupé du monde, les yeux rivés sur un appuie-tête, avec, dans le meilleur des cas, une vision réduite par un hublot, sorte de lucarne sur une planète à laquelle momentanément, espérons-le, nous n’appartenons plus. Ce type de déplacement codifié et uniformisé permet difficilement de se rendre compte des distances parcourues, de l’éloignement géographique et culturel des deux endroits que nous relions. Les hommes vivent trop vite, écrivait Thoreau et l’avion en est, pour moi, un des symboles criants. Isolé dans un univers artificiel pressurisé à dix mille mètres du sol et parcourant plus de 800 km en une heure, il existe un risque que la prise de conscience de la distance physique et culturelle parcourue n’ait lieu que plus tard sous forme alors d’un choc, d’une explosion de perceptions qui peut susciter incompréhension voire une inaptitude à gérer ce changement. On s’expose à une irréalité qui se prolongera une partie, voire la totalité, de notre périple, nous faisant ainsi passer à côté de l’essence même du mouvement : se retrouver, entièrement, à un autre endroit, âme et corps.
Les trains, c’est autre chose… Enfin c’était car de plus en plus de gares et de trains ressemblent aux aéroports et avions. La vitesse et l’efficacité à tout prix. L’uniformité en maître. Dommage.
N’être jamais d’où qu’on soit
N’être de Nulle part
Ou de Partout ?
Avancer au gré jusqu’à trouver
Si ailleurs, il y a à espérer
S’arrêter parfois
Le temps d’épuiser sa foi
Dans ce nouveau possible
Qui déjà n’est plus
La liberté comme essence
D’errer toujours à contresens
Pour arpenter les voies ferrées
Affairé à trouver une voie
Qui sans issue ne soit
Qui, peut-être, comme l’horizon
Sans cesse loin devant moi
Reste une illusion.J.S.
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Comme toi, j’aime prendre le train pour voyager.
J’aime l’ambiance qui règne dans les wagons, dans les gares et en plus, le mal des transports y est moins fort qu’en avion ou en bateau (en tout cas pour ma part^^).
Valérie@EnvieVoyages Articles récents…Chambord, une histoire de grandeur et de décadence
‘Les trains sont comme des souks, de fascinants bazars, qui serpentent entre les caprices du voyage sans jamais vous faire vaciller ni renverser votre verre, tandis que votre humeur va s’améliorant avec la vitesse.’
Extrait de Railway Bazaar de Théroux
Le voyage en train est une aventure qui commence à la gare juste à côté de chez nous et qui peut ne jamais s’achever pour peu qu’on le décide.
En rails donc !
Je découvre ton blog via « avenue reine Mathilde », et je crois bien que je vais devenir une fidèle lectrice 😉 Les voyages en train ont un charme certain… Des trains de nuit aux petits tortillards, c’est à chaque fois la garantie d’une belle expérience et de rencontres, sinon agréables, en tout cas souvent inoubliables 😉
J’aime beaucoup prendre l’avion aussi – c’est vrai qu’on se rend moins compte des distances, mais ouvrir son hublot et réaliser que l’on est en train de parcourir les nuages, je trouve ça magique…
Aurélie Articles récents…Rencontre de voyageurs #4 : les Peltier, une famille bien voyageuse !
Bonjour Aurélie… Merci. A mon tour d’aller découvrir le tien. J’apprécie aussi l’avion pour ce qu’il représente bien que je n’aime pas le prendre. J’aime les regarder passer au-dessus de moi et me demander vers quelles destinations ils vont. Les avions font rêver à tous les possibles à chaque fois. Et l’aéronautique est fascinante. Comment des engins aussi lourds peuvent-ils voler ? ! Il y a un côté un peu magique. Mais je n’aime pas le fait d’être transportée aussi rapidement d’un endroit de la planète à l’autre sans avoir pu prendre le temps de voir le paysage changer et défiler devant moi, sans avoir senti physiquement le trajet les kilomètres. C’est pour cette raison que je rêve de faire un long voyage à pied. Mais le train offre davantage cette sensation. Et les expériences sont inoubliables (même dans un tgv qui va vite… comme la fois où j’ai fait les devoirs de français avec un petit garçon qui rentrait chez sa maman un dimanche soir alors que le train avait 4h de retard).